
Carolina Martinez et les sentiments du vide
Dans le nouvel espace de la Galerie Ilian Rebei de la rue Chapon, l’artiste brésilienne Carolina Martinez présente pour la première fois ses œuvres en Europe.
Pour de nombreux artistes à travers le monde, la pandémie et les confinements ont eu un impact sur leur création. Certains ont été stoppés net, d’autres, coupés de leurs ateliers, ont testé de nouvelles techniques, et d’autres encore, comme Carolina Martinez, ont fait avec les moyens à disposition. Jusque-là, la palette de l’artiste se composait de couleurs douces et claires. Partie de Rio de Janeiro pour le confinement, elle s’est trouvée confrontée au défi d’utiliser les couleurs en sa possession, dans des gammes beaucoup plus vives, donnant une nouvelle direction à son travail.
La formation initiale de Carolina Martinez en architecture est très présente dans son œuvre. Sur un support en bois clair, matériau brut de construction, elle invente des espaces géométriques, sans aucune présence humaine, animale ou végétale. Ses inspirations viennent de l’architecture moderniste d’Oscar Niemeyer, Le Corbusier ou Mies Van der Rohe, de leur sobriété géométrique très minérale, mais également de ses nombreuses marches dans la ville. Elle aime y trouver les espaces que l’on ne remarque pas, les interstices et les creux de la ville.
Privée de ses déambulations citadines et de son matériel habituel, le regard de Carolina Martinez est donc revenu sur elle-même, et s’exprimant dans ses peintures avec des roses, bleus, ocres et verts pleins de luminosité, le vide se remplit de couleur. Avec ce changement de palette colorée, le ressenti face aux œuvre évolue, d’une sensation mélancolique des pastels vers une joie simple et sans mélange. De là vient le titre de l’exposition, Alvorada, L’Aube, qui avec ses ors et roses marque également un point de transition vers des lumières différentes, vers des images différentes. L’artiste avoue son envie aujourd’hui de continuer ses recherches sur les traces de Josef Albers, qui a étudié le ressenti des gens face à la couleur.
La scénographie de Fernanda Lopes, qui met en espace six œuvres de 2017 et dix inédites, s’inspire du vide architectural représenté dans les œuvres. En jouant sur les contrastes d’échelle ou la distance entre les tableaux, l’espace de la galerie participe au sentiment de dépouillement de l’espace pictural. Les tableaux n’ont pas de cadre, juste une baguette de bois qui les décolle du mur et leur donne du volume, les transformant aussi en élément architectural. Mais toute cette épure géométrique ne l’est qu’en apparence : l’artiste joue avec la perspective, la matière du support bois apporte une vibration aux aplats de couleur, et des superpositions colorées apparaissent. Carolina Martinez nous montre ici que le vide peut être habité de sentiments, les siens comme les nôtres.
Carolina Martinez – Alvorada (L’Aube)
Du 26 février au 28 mars 2022
Galerie Ilian Rebei – Paris
Visuels : 1- Souvenirs de ce que je n’ai jamais vu / 2- Alvorada / 3- Labyrinthe : Carolina Martinez – Galerie Ilian Rebei