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Ted van der Hulst : J’ai voulu montrer la grande force du Petit Peuple !

Ted van der Hulst : J’ai voulu montrer la grande force du Petit Peuple !

11 January 2023 | PAR Paul Fourier

Le photographe présente l’exposition « Aristocrats » au musée Arma d’Ubud à Bali. Interview…

Bonjour Ted, comment vous est venue cette idée de photographier cette équipe d’artistes nains ?

J’ai rencontré ces petites gens en 2017 à un feu de circulation à Kerobokan (Bali). Ils étaient 15, assis dans une camionnette et cela m’a évidemment beaucoup surpris. Je suis donc devenu curieux à leur sujet et je leur ai demandé où ils allaient. Ils ont expliqué qu’ils allaient travailler pour un spectacle de boxe « midget » (terme employé pour désigner les nains). Je suis donc allé voir le spectacle et j’ai été sidéré par ce que j’ai vu. Il y avait un ring de boxe au bar et les petites gens amusaient les touristes. Je me suis dit qu’il fallait que j’en sache plus pour les photographier et les mettre, en quelque sorte, « sur un piédestal » afin de montrer leur grand caractère. J’ai notamment constaté que les petites gens vivent tous ensemble dans une maison, qu’ils ont construit une famille et une communauté où ils se sentent en sécurité et où personne ne les dérange.

Comment les nains sont-ils considérés dans la société indonésienne ?

En Indonésie, les nains sont comme des étrangers, des « outcast » de la société. Il leur est difficile de vivre une vie “normale” et c’est pourquoi ils ont imaginé une façon créative pour gagner leur vie.
Quand j’ai commencé à les photographier, j’ai réalisé qu’ils n’avaient aucun problème à se tenir devant l’appareil photo, car ils avaient fait ça toute leur vie. Partout où ils vont, les gens les regardent. Ils se forgent donc un caractère très fort et c’est ce que je voulais montrer dans mon travail. J’ai voulu montrer la grande force du Petit Peuple !

Finalement, vous êtes devenu ami avec les membres de cette communauté. Pourquoi les considérez-vous comme des Aristocrates ?

Il y a une citation de Diane Arbus que j’aime beaucoup et à laquelle j’adhère. Elle dit : « j’ai beaucoup photographié « les monstres » (freaks). C’est même l’une des premières choses que j’ai photographiées et cela a provoqué en moi une sorte d’excitation formidable. Je les adorais et j’en adore encore certains. Je ne veux pas dire qu’ils sont mes meilleurs amis, mais ils m’ont fait ressentir un mélange de honte et d’admiration. Il y a une part de légende chez « les monstres » ; comme une personne, dans un conte de fées, qui vous arrête et vous pose une énigme. La plupart des gens traversent la vie en craignant de vivre une expérience traumatisante. Les monstres sont nés avec leur traumatisme. Ils ont déjà passé leur test dans la vie. Ce sont des Aristocrates. »
Je les vois donc comme des Aristocrates en raison de leur caractère. Pensez à quel point vous devez être fort lorsque, toute votre vie, vous êtes victime d’intimidation. Comme je le disais, se tenir devant une caméra est pour eux une chose facile à faire. Ils sont toujours « à l’honneur » partout où ils vont et sont donc beaucoup plus forts que la norme. C’est pourquoi j’ai appelé cette exposition (et le livre) « Aristocrats ».

Je remarque que vous les photographiez parfois en costume de scène, mais aussi dans des scènes ordinaires de la vie quotidienne comme si vous vouliez les montrer à la fois comme des gens extraordinaires et comme des gens ordinaires…

J’ai observé les Aristocrates pendant un certain temps et j’ai voulu montrer que oui, ils sont comme nous, mais aussi comment je les vois, mon point de vue sur leurs grandes qualités. Les scènes quotidiennes que j’ai photographiées montrent qu’ils nous ressemblent et font, évidemment, toutes les choses de notre routine habituelle… faire la vaisselle, nourrir les chiens, s’entraîner.
En parallèle, j’ai aussi voulu les mettre sur un piédestal. Ainsi, ils portent les costumes de Superman, de Spiderman, de combattants… Tous ces costumes qu’ils portent lorsqu’ils vont au travail ainsi que le maquillage qu’ils réalisent eux-mêmes.

Vous avez cité la grande photographe Diane Arbus. Vous semblez marcher sur ses traces. Quel est le point commun entre vos œuvres respectives ?

Diane Arbus est pour moi un modèle. Ses sujets sont également ceux qui me passionnent. Nous sommes tous les deux curieux de suivre les personnes « différentes » qui vivent et évoluent dans l’ombre de la société. Nous disons tous deux : « si vous voulez les sortir de là, mettez-les sous les projecteurs et montrez à quel point ils sont géniaux !?»

Vous avez, auparavant, travaillé sur la vie d’un jeune orang-outan qui réapprenait à vivre dans la jungle puis sur des portraits de chiens et de chats indonésiens. Peut-on dire que vous cherchez une part d’humanité chez les animaux ?

Je photographie toutes sortes de personnes et d’animaux. J’aime montrer avec mon travail comment je vois le monde. J’approche tout le monde avec le même grand respect ; peu importe qu’il s’agisse d’un animal ou d’un humain. J’essaie toujours, chez un personnage, de trouver ce qui est intéressant chez lui. Pour Dennis l’orang-outan, par exemple, j’ai pensé à lui comme s’il était mon propre fils. D’ailleurs, mon fils Django a le même âge que lui. Alors je l’ai suivi pour montrer ses émotions comme tout père le fait avec ses enfants.
J’adore les animaux et je peux y voir leur caractère les regardant. Peut-être que je les vois plus comme des humains que comme des animaux.

Avez-vous d’autres projets en cours ?

J’ai de nombreux projets en cours qui viendront bientôt sous forme d’expositions ou de livres.

Visuels : © Ted van der Hulst

Né à Utrecht, aux Pays-Bas en 1982, Ted van der Hulst est tombé amoureux de la photographie dès son plus jeune âge. Après avoir obtenu son diplôme de la Fotovakschool d’Amsterdam en 2012, il s’est vu proposer un poste au sein de la société de presse écrite MRA, fournissant des photos pour les magazines Harper’s Bazaar, Cosmopolitan et Esquire. Il enseignera également la photographie pendant un an au Lasalle College de Jakarta. Souhaitant exprimer sa propre vision créative, notamment en matière de narration, van der Hulst a commencé à travailler sur un certain nombre de projets qui se traduiraient par des livres et des expositions. Le premier d’entre eux, Dennis, livre photo-documentaire poignant (2017) et exposition sur la vie d’un jeune orang-outan sauvé et réapprenant à vivre dans la jungle a été un succès critique en Indonésie et en Europe. Passionné de sujets décalés, van der Hulst avait alors enchaîné avec deux expositions photo thématiques : « High Dogciety » (Edwin Gallery, 2019), portraits des chiens choyés de Jakarta, et « JakCats » (2019, Kunstkring). Il aujourd’hui vit avec sa femme et ses enfants à Bali.

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