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Première grande exposition personnelle de Kiki Smith à la Monnaie de Paris

Première grande exposition personnelle de Kiki Smith à la Monnaie de Paris

18 October 2019 | PAR Yaël Hirsch

Jusqu’au 9 février, l’Hôtel de la Monnaie a donné carte blanche à la pionnière américaine de la muse au centre du corps féminin, Kiki Smith, à travers une exposition et dès interventions dans ses collections.

L’artiste américaine née en Allemagne met le corps au cœur de son travail. Sous le commissariat de Camille Morineau, cette première grande exposition française tisse un lien entre le corps intime et les constellations, suivant les mythologies intérieures de Kiki Smith. Un événement troublant, beau et qui investit non seulement l’espace des expositions temporaires de la Monnaie, mais aussi les cours et les collections permanentes.

Le parcours de l’exposition a été pensé par Kiki Smith pour éviter à la fois le chronologique et le thématique et c’est un bonheur !: les pôles d’orientation sont « chaud », « froid », « simple » et « sophistiqué ».

Dès la première salle majestueuse de la Monnaie, corps féminin, fragilité, chaud et froid sont au cœur avec quatre grandes sculptures ou des corps de jeunes filles sorties de contes angoissants et dont la création s’étalent des années 1980 a 2000. Elles gisent, surveillées ou menacées par des moutons. Un troupeau complété par des installations organiques dans les vitrines.

La salle suivante présente un corps de féminisé replié de manière fœtale, sous une peau morcelée en carrés argentés et aux côtés d’une crucifixion puissante reflétée dans un miroir et dans la Seine. Des perles apparaissent au sol pour les silhouettes suivantes bronze, verre, fer mais cela commence à circuler, un fluide s’opère dans l’organique au point que “Ovum and sperm” (1992) suggère très explicitement la possibilité de la vie. A la fois triomphante et victime ultime la hiératique “Pyre Woman” (2002) en bronze sur son tas de bois commémore toutes les femmes assassinées.

“Toute l’histoire du monde réside dans votre corps” explique l’artiste et le cosmos arrive à rebord : l’on passe directement à 2019 et c’est carrément Noël, mais les trois silhouettes de sapins en bronze enrichies de photos de lumières rouges à une dimension spirituelle parfaitement holiste : un vrai petit temple. De grandes tapisseries cosmiques suivent (2012) avant que l’on entre dans une structure stellaire avec une « Blue girl » (1998) en prière et des pieds de verre. La même vierge apparaît vite sous son jour dépecée, en cire, terrifiante et originelle.

Le voyage mystique se poursuit avec une Annonciation ronde, pleine, heureuse, du point de vue de la vierge (2012), un oiseau et un vitrail de bénédiction. Agenouillée à nouveau, une “Bondage girlfriend” en bronze nous ramène encore une fois le froid et la vanité.

La fin de l’étage marque la fin des souffles du chaud et du froid avec une Sainte Geneviève (hommage à Paris) et des autoportraits où apparaît le papier si délicat qui digne les dessins de l’artiste : les feuilles de papier népalais. L’ensemble rappelle sans vergogne que les femmes sont nées des côtes des loups.

Le papier du Népal est un fil d’Ariane vers l’étage inférieur, lien qui accomplit le rapprochement entre le corps et la cosmologie; ce qui permet semble-t-il de sortir du solipsisme avec un dessin comme “Assembly” (2008-19) où les femmes se font compagnie.

Le récent Quiver saisit : c’est un bas-relief qui travail le métal comme du papier. En final de l’exposition temporaire, l’univers du conte s’ouvre à nous dans des impressions bleues et virginales, pour nous laisser finir sur la lumière du monde…

Dans la cour en sculpture et dans les collections sur fonds bleu, l’on retrouve l’invasion délicate de Kiki Smith, qui a choisi pour ce dernier espace les pièces qui lui plaisaient dans les réserves de la Monnaie.

Une rétrospective riche, puissante, raffinée et mythique, qui étonne et plait d’autant plus que si ce n’est pas la première exposition qui interroge la femme du Musée, c’est peut-être la première exposition à être aussi éloignée de la question première de la valeur et de la thésaurisation.

visuels : affiche : (Rapture, 2001) [Enchantement] Bronze, 170,8 x 157,5 x 66 cm Photo Richard Max-Tremblay © Kiki Smith, courtesy Pace Gallery
et photos de l’exposition (c) YH

Infos pratiques

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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