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Les « Nymphéas » d’Olivier Debré réunis au CCC OD de Tours

Les « Nymphéas » d’Olivier Debré réunis au CCC OD de Tours

03 May 2018 | PAR Yaël Hirsch

Commandées en 1990 au peintre Olivier Debré par le Centre de Création Contemporaine de Tours, les 6 immenses toiles colorées exécutées près de la Loire sont enfin exposées et réunies à Tours, au nouveau CCC OD (lire notre article sur une des expositions inaugurales). Rassemblées sous un titre faisant référence aux « Nymphéas » de Manet, elles se montrent dans un immense écrin qui leur permet de reprendre leur place-clé dans l’aventure de l’Abstraction.

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Le tout nouveau bâtiment du CCC OD de Tours a accueilli plus de 100 000 visiteurs lors de sa première année et propose en même temps trois expositions: une version revisité par de Klaus Rinke de son monumental « Instrumentarium » que l’on a pu voir au Centre Pompidou en 1945. Baignée de lumière, devant d’immenses fenêtres, son installation épure les eaux de grands fleuves d’Europe- Tamise exclue. A côté, c’est dans l’ombre que Cécile Bart revisite des extraits de films de Bergman, Capra ou Kassovitz à l’aune de la danse et du mouvement. Son installation  Silent show se présente comme une suite de grands vitaux aux lignes géométriques et au couleurs noires, blanches et rouges et elle fascine.

La troisième exposition du CCC OD est dédiée au peintre dont la donation a été fondatrice et dont le Centre veut développer le renom, à l’international : Olivier Debré (1920-1999). C’est ainsi que le Directeur du musée, Alain Julien Laferrière et la commissaire Marine Rochard, ont intitulé l’exposition «Les Nymphéas d’Olivier Debré ». « Jusqu’ici l’on tirait Olivier Debré vers l’impressionnisme pour minorer son travail. Or l’abstraction des Nymphéas de Monet a influencé toute la peinture abstraite et tous les grands peintes américains. Et pourquoi pas les peintes français ? », explique Alain Julien-Laferrière, notant que cette réévaluation de Debré arrive au moment même où le Musée de l’Orangerie organise une exposition qui retrace l’impact des Nymphéas sur l’abstraction américaine.

Or, c’est la première fois que l’intégralité de la série est réunie, quatre des toiles ayant été exposées à Tours en 1991, cinq des toiles faisant partie de la donation Debré, faite en 2016 à Tours Métropole Val de Loire, et ayant rejoint le CCC OD. La sixième vient de la banque d’investissement européen du Luxembourg et est prêtée pour un an et demi.

Immenses, théâtrales, colorées, ces toiles crèvent tout cadre, englobent le visiteur et le plongent dans un état méditatif qui rappelle l’effet de Monet à l’Orangerie, en effet, mais aussi la Chapelle de Rothko. On y sent la filiation d’un art abstrait qui fait référence à la nature pour diffuser la couleur et la lumière. Par leur taille, ces œuvres font disparaître les murs et placent le visiteur au cœur de la peinture. Au point qu’il peut presque pouvoir “respirer” cette peinture comme la nature lors d’une promenade en forêt. Submergé, l’on sort pleinement du genre “paysage” et la couleur s’étire jusqu’à proposer une expérience physique et métaphysique. L’art du peintre a le pouvoir d’objectiver des sensations que l’on ressent dans la nature : « Ce que j’ai recherché dans les grandes peintures c’est la sensation physique d’un espace qui domine notre corps, qui soit un lieu que nous puissions vivre comme nous habitons une pièce: c’est en fait une préoccupation comparable au besoin de sortir du cadre », expliquait Debré. L’effet est d’autant plus immersif qu’une toile est posée au sol, inspirée du système que le peintre avait mis au point pour les manipuler avec sensualité et dans faire couler la peinture, dans sa grange tourangelle des « Madères » avec un système de treuil.

Dans les coulisses de l’immense salle où l’on est plongé dans les Nymphéas, un film sur Olivier Debré, quelques fusains et quelques documents ou témoignages sur l’art du peintre, permettent efficacement de contractualiser cette explosion sensuelle de lumière et de couleur.

Un artiste important, une expérience sensorielle à faire et une page importante de l’Histoire de l’abstraction à redécouvrir, à Tours.

visuels : visite de l’exposition (c) YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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