
Maurizio Cattelan “Post-mortem” et post Krach à la Monnaie de Paris
Devenue l’un des lieux phares de l’art contemporain à Paris, La Monnaie vernit en pleine Fiac. Pensée par l’artiste après sa décision d’arrêter de créer (il a pris sa retraite en 2011), la rétrospective Maurizio Cattelan, “Not afraid of love“, désire prouver “post-mortem” qu’on peut faire du neuf avec du vieux. Pourquoi cet immense étalage des œuvres phares de l’artiste(plus grande rétrospective au monde depuis le Guggenheim) donne-t-elle alors l’impression de prendre la poussière? Peut être parce qu’elle est la première qui ne dialogue qu’avec le faste de l’Hôtel de La Monnaie, sans se préoccuper de sa fonction…
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Impertinentes, grandioses, les installations de Maurizio Cattelan surprennent, séduisent, donnent à réfléchir et laissent une trace de nostalgie. Dès que l’on entre dans l’Hôtel de La Monnaie, la gisante verticale “Donna” (2007) et l’âne mort ployant accroché au plafond (Novecento,1997) mettent délicieusement mal à l’aise. On progresse doucement dans les mythologies désormais familières de l’artiste, jusqu’au Him final, Hitler résiné et agenouillé au coin parti à 15 millions d’euros en vente aux enchères en mai qui, à Paris, ne regarde pas vers le Pont Neuf. Le faste du lieu est superbement exploité avec des autoportraits en suspension, en lévitation, entre plusieurs étages ou des œuvres coincées dans le marbre pour l’éternité (les gisants de All, 2009). Les automates (Tamburino, 2003) battent le pouls mortuaire d’une œuvre faussement gaie et faussement pop, aux références très pointues et aux ambitions immenses. On est heureux de voir ou revoir le pape Jean-Paul II écrasé par un astéroïde dans sa pourpre avec La Nona Ora (1999), on retrouve avec joie Mini-me (1999) et aussi Gérard (2007), cire hagarde sous sa couverture. On aime lever la tête pour revoir les pigeons impertinents de l’artiste et on se laisse aller à la nostalgie macabre du bestiaire taxidermiste proposé par Cattelan (Sans titre, 2007) .
Et pourtant, malgré le jeu intelligent avec les ors de L’Hôtel de La Monnaie, on s’ennuie terriblement. On se rappelle comment Kounellis, Lavier, Take me, I am Yours ou les chocolats anaux de McCarthy dialoguaient avec ce lieu singulier et régalien : là où l’on bat monnaie. Et l’on se dit que Cattelan au Palazzo, ce n’est pas si nouveau, même repensé et même en grande quantité. Dans le contexte éminemment mercantile de la Fiac et vu lieu (anti)subversif choisi, on se sent un peu embêté de voir toutes ces belles œuvres avec une impression d’archéologie morbide. Déception donc même si l’on aime revoir ce qui nous a frappé à frais, il y a peut-être déjà trop longtemps…
Visuels : YH