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Les shoots de Combas à la collection Lambert

Les shoots de Combas à la collection Lambert

13 December 2016 | PAR Amelie Blaustein Niddam


C’est un événement. Pour la première fois, tous « Les Combas » du collectionneur Yvon Lambert sont montrés. Pour la première fois, des œuvres inédites de Combas sont données à voir et cela, à la Collection Lambert, à Avignon, jusqu’au 5 juin 2017.

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Depuis 2000, année où Avignon était capitale européenne de la beauté, la ville aux remparts est doté d’un sublime musée d’art contemporain, La Collection Lambert. Depuis 2012, ce fond appartient à l’État et se déploie à la fois dans l’Hôtel de Caumont et dans l’Hôtel de Monfaucon. 5000 m² dédié au best du best : Serrano, Gordon, Twombly mais et cela nous concerne aujourd’hui, plus de 200 peintures de Robert Combas.

De Combas dont tout le monde a oublié la naissance lyonnaise tant l’homme est rattaché à la ville de Sète, on a l’image d’une saturation de couleurs qui explosa dans ce mouvement révolutionnaire, entré depuis dans l’histoire de l’art : la figuration libre.

Le génie du commissariat du brillant d’Eric Mezil est d’avoir réussi à donner de la lisibilité dans non pas la saturation mais la frénésie du geste de Combas.

Ce sont donc 280 œuvres de la décennie 80 qui, déployées par thèmes reflètent les obsessions et les questions de ce grand consommateur de drogues très sensible aux enjeux politique du siècle alors finissant. Mais cette presque rétrospective témoigne terriblement de la relation entre Lambert et Combas. Le collectionneur allait chez le peintre tous les dimanches et pendant dix ans, Combas a été exclusif : ses toiles étaient bichonnées par Lambert. Au début des années 90, la descente se fait. Le peintre veut plus de drogue,encore plus drogue et se brade à tous les galeristes qu’il croise. C’est la fin officielle d’un compagnonnage de dix ans. La fin ? L’exposition ouverte le 11 décembre prouve l’inverse. Dans la reconnaissance de Combas, la collection Lambert a fait œuvre militante. Jusqu’à présent et depuis seize ans, seul 20 % des toiles avaient été exposées.

Les Combas de Lambert occupent quasiment tout l’espace de la collection, quasiment, car en ce moment, les trésors du musée Angladon ( Degas, Modigliani…) offrent une entrée douce avant l’injection des délires de l’artiste. Et à l’étage, « rêvez » expose les lauréats du prix Yvon Lambert pour la jeune création. Ce projet offre à des étudiants diplômés de sept écoles de la région PACA de montrer leurs travaux. Étonnement pour les mômes du XXIe siècle, la couleur est grise ou sang. Les époques ont changées mais les douleurs semblent être les mêmes.

On entre dans Combas par ses premières toiles, qui laissent encore un peu de vide. On sent encore des références notamment à Keith Haring ou Georg Baselitz. Tout commence ici avec une histoire de potes, une toile immense à quatre mains signées de Remi Blanchard, François Boisrond, Hervé Di Rosa et Robert Combas. Cette fête dans un parc urbain témoigne des premières heures d’une décentralisation alors en action.
Puis on commence à comprendre : le désir, le sexe, la lutte contre le FN, la religion, le bestiaire, la musique la mythologie, les portraits des amis…autant de salles qui chacune permettent d’entrer dans le fond et la forme de ce geste toujours ourlé de noir comme si la couleur devait être empêchée par la peine.
Combas n’a jamais cherché la beauté, il cherche l’uppercut (D’ailleurs la première œuvre de la collection est José nez cassé, un boxeur à tête de triangle sur toile de jute )

En 1986 son Greatest hit’s du monde de Combas raconte « Brègue en entrelard à gauche de la toile entre Jean-Louis Lamarche Lepen et P. Fragonard . En même temps qu’ils se roulent des pèles, Jean Louis pratique une césarienne à Paulette avec une lance ayant servi à Delacroix pour peindre une bataille. Le tueur de Folon ( petit fils de l’homme au masque de fer, frère jumeau d’un Roi bien connu dont je ne me rappelle pas le nom), raconte à qui veut bien l’écouter qu’il a pêché un congre (poisson) gros « com’aquo » ( patois du sud de la France). Yvon Lambert fait le cheval à poils et porte sur son dos son futur gendre qui se prend pour un soldat avec une lance. Otto Hann est constant, il vient d’être transformé en sculpture vivante par le magicien d’Oz ».
Cela est un titre d’œuvre. Cela suffit déjà à comprendre que Combas ne s’arrête jamais. Dans ces années là il peignait sur tout ce qu’il trouvait et les draps et les tapis de Sophie Calle en ont fait les frais. Tous les supports possible ont été utilisés.

On le croise, un peu hagard, voûté, pas vraiment disposé à jouer les guide dans un travail qui ne doit pas s’expliquer mais être pris en pleine face.  ” je pense que mes peintures, elles peuvent tuer ” nous dit-il avec un fort accent du sud.

La frénésie, il la place aujourd’hui dans la musique. Au sein des Sans Pattes il fait de la figuration libre auditive en compagnie de Lucas Mancione. Le groupe a signé chez Because, un label pointu.

Impossible donc de raconter Combas, il faut voir, se laisser envahir par le travail de cet immense coloriste. On comprend la passion de Lambert pour le génie libre et fou qui a su mêler les monstres et les corps, pour ensuite peindre une araignée flamboyante ou Boltanski et ses fantômes.

L’état dans lequel Eric Mézil ( Directeur de la collection Lambert et Commissaire de l’exposition) nous installe est une véritable addiction.

Une exposition qui rend la laideur du monde superbe, à voir absolument.

Visuel : Couverture. DR

Infos pratiques

Galerie Claire Corcia
Centre d’Art Caumont à Aix-En-Provence
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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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