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“Les choses” d’Albert Renger-Patzsch et le “souterrain” d’Ali Kazma au Jeu de Paume

“Les choses” d’Albert Renger-Patzsch et le “souterrain” d’Ali Kazma au Jeu de Paume

16 October 2017 | PAR Alice Aigrain

Le musée du Jeu de Paume consacre ses espaces au photographe allemand du début du XXe siècle Albert Renger-Patzsch et à l’artiste-vidéaste contemporain Ali Kazma. Visible jusqu’au 21 janvier 2018, les expositions à ne pas manquer, retracent magistralement l’œuvre des deux artistes mettent en valeur les réflexions comme l’esthétisme de leur production respective.

Explorer la ligne, le plan et l’espace avec Renger-Patzsch

Deux mains jointes, une fleur d’orchidée, une forêt enneigée, une collection de béchers ou des fers à repasser… les « choses » qu’Albert Renger-Patzsch photographie sont diverses, mais partout où son appareil se pose, il ne semble n’être plus que question de « tons entre éclats vifs et ombres », de ligne, de plan et d’espace. La préoccupation formelle de l’artiste tel qu’il l’a décrite et théorisée se remarque dans chacune des 154 photographies exposées au Jeu de Paume. Avec une netteté absolue, celui qui est considéré comme l’un des maîtres de la Nouvelle Objectivité et l’un des photographes les plus importants du début du XXe siècle, va décrire un monde où la précision de la prise de vue n’élude pas la chaleur et la recherche d’une esthétique qui va au-delà du documentaire.

Dans cet entre-deux, entre documentaire et artistique, réside le somptueux rendu des photographies de Renger-Patzsch, qui semblent explorer des limites qui se meuvent et évoluent au fil de plus de quatre décennies de production. Celui qui a fait des études de chimie donne à ses photographies un aspect qui confine parfois aux images scientifiques, en cherchant au cœur des choses, par le gros plan et le recadrage, les formes élémentaires ou géométriques qui s’y cachent. Une exploration de la nature qui isole et fragmente la vision pour en changer la perception. Les fleurs, les animaux, les roches, les architectures, les usines ou les objets, le photographe fait basculer le regard, comme autant de variations autour de thèmes pourtant classiques en art. Le paysage, l’industrie, la modernité et les villes, le rapport de l’homme à la nature, les multiples genres photographiques que Renger-Patzsch parcourt, sont chaque fois renouvelés par son attention à la forme et à la composition, qui transforment, avec une économie de moyens, la simplicité et le commun en une œuvre originale et transcendante.

Décortiquer le geste et le temps avec Ali Kazma

Le peu de moyens et l’attention formaliste se retrouvent dans les vidéos d’Ali Kazma et les deux accrochages semblent débattre ensemble des notions d’esthétiques, d’art et de style documentaire. Dans cette première exposition d’envergure de l’artiste vidéaste, l’on découvre plus largement les domaines d’explorations et le processus créatif de celui qui représenta la Turquie à la Biennale de Venise de 2013. L’artiste réalise et gère également le montage. Ses films documentaires courts et précis se concentrent sur les corps et les gestes explorant l’homme, ses espaces et ses activités.

L’impact visuel de ses films est immense. Le travail de la lumière et du cadre rend la photographie des vidéos à la fois esthétique et froide, le sujet  y est décortiqué dans la précision et le détail par les gros plans, tandis que les espaces sont explorés par des angles qui sculptent et transpercent l’écran. Pourtant s’il n’y a ni pathos ni sentimentalité dans ses œuvres, la proximité de la caméra, les choix virtuoses des plans de détails qui se succèdent, captent l’attention et donnent une forte expressivité à ses films. L’expression est celle d’un point de vue politique, d’un regard critique d’un homme sur la société et le temps. Dans la série Obstructions, Ali Kazma explore les moyens que déploie l’homme pour faire obstacle à son inévitable anéantissement. Il poursuit cette réflexion dans la série Résistances, qui explore le corps dans le contexte contemporain du progrès et de la mondialisation.

Un abri vide au milieu de paysages désolés, des corps qui répètent inlassablement les mêmes gestes, une prison sous la neige, des blocs opératoires, chaque film décortiquent un univers évocateur de notre rapport au monde, au corps, au temps et à son contrôle.

 

© Albert Renger-Patzsch / Archiv Ann und Jürgen Wilde, Zülpich / ADAGP, Paris 2017

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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