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La survie sur “Tromelin, l’île des esclaves oubliés” au Musée de l’Homme

La survie sur “Tromelin, l’île des esclaves oubliés” au Musée de l’Homme

13 February 2019 | PAR Emilie Zana

Dans le cadre de la saison En droits ! pour célébrer les 70 ans de la Déclaration Universelle des droits de l’homme, l’exposition Tromelin, l’île des esclaves oubliés où 80 individus ont été délaissés pendant 15 ans, interroge l’article 4 de ce texte fondamental : “Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes”, qui trouve encore un écho aujourd’hui. Enquête palpitante au Musée de l’Homme.

Les fouilles historiques d’un passé colonial 

L’exposition retrace tout d’abord l’histoire passionnante de 80 esclaves malgaches délaissés pendant 15 ans après qu’un navire de la Compagnie française des Indes orientales, l’Utile, s’échoue sur une minuscule île déserte au large de Madagascar, perdue dans l’Océan Indien : l’île de Sable, aujourd’hui île de Tromelin d’une superficie d’1km².

Cette partie de l’exposition nous embarque dans le contexte historique de la navigation de l’Océan Indien au XVIIIe et du commerce de l’époque : traite négrière, épices, soie… On se croirait presque sur un bateau grâce à cette salle boisée où trônent cartes maritimes, archives et même barils reconstitués contenant de vrais épices. On apprend alors que l’Utile quitte Bayonne en 1760 et achète frauduleusement 160 esclaves une fois à Madagascar. Il échoue après quelques maladresses sur l’île de Tromelin actuelle et l’équipage français quitte l’île grâce à une embarcation de fortune, laissant derrière lui 80 esclaves. C’est seulement après 15 ans et deux mois, en 1776, que le commandant Jacques Marie de Tromelin arrive sur l’île et sauve 8 survivants : 7 femmes et un bébé de huit mois. 

Des pages de BD accompagnent l’exposition : il s’agit de la BD percutante de Sylvain Savoia Les Esclaves oubliés de Tromelin aux éditions Aire Libre, qui mêle récit imaginé et journal de bord, l’artiste racontant l’aventure qu’il a vécue lors d’une des missions archéologiques sur l’île.

Les fouilles archéologiques de la (sur)vie sur l’île

La deuxième salle est consacrée cette fois à l’archéologie, qui pallie l’histoire inconnue des naufragés sur l’île. Il s’agit d’une “contre archéologie” selon les termes d’André Delpuech, directeur du musée et ancien archéologue notamment sur la question de l’esclavage colonial. En effet, il ne s’agit pas de recherche d’un “trésor” mais du “discret”, “de l’invisible”. Et c’est ce qui a été fait par l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), le GRAN (Groupe de Recherche en Archéologie Navale) et des chercheurs du Muséum – notamment Max Guérout et Thomas Romon, les deux commissaires scientifiques de l’exposition – lors des missions sur l’île en 2006, 2008, 2010 et 2013. On est cette fois comme enfermés sur “une île reconstituée” d’après les mots de Thomas Romon où sont éparpillés quelques “îlots” témoignant de la vie sociale des naufragés restés plus de 15 ans sur l’île : alimentation, artisanat… qui laisse entrevoir seulement 10%, les recherches archéologiques étant loin d’être terminées.

Cette riche exposition – dont la première a eu lieu à Nantes en 2015 – finit par une “partie mémorielle” qui traite des retombées de cette incroyable histoire : servant la cause des abolitionnistes de l’esclavage à l’époque, cette tragédie est encore d’actualité ce que rappelle le directeur du musée en évoquant la vente de migrants réduits à l’esclavage en Libye. 

 

J’ai le droit d’avoir des droits” 

C’est également l’occasion de découvrir l’exposition J’ai le droit d’avoir des droits et le travail de 9 street artistes (Dugudus, Zag & Sìa, Lek & Sowat, Goin, Swoon, Madame, Dénis Meyers) qui se sont, chacun à leur façon, appropriés un article de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Par exemple les artistes Lek et Sowat habillent un mur à l’aide de scotch et d’écritures déstructurées aux couleurs de la France, tout en détournant l’article 1 : “Tous les êtres naissent libres et EGO en dignité et en droits…”  

De plus, les photographies de Sebastiao Salgado, illustrant également des articles de la DUDH sont toujours réunies dans l’exposition Déclarations jusqu’au 30 juin, artiste avec lequel le musée collaborera de nouveau dans le futur.

 

Découvrez le riche programme de la saison, avec des rencontres, ateliers, visites guidées… et ici les détails de l’exposition sur l’île de Tromelin, du 13 février au 3 juin 2019 au Musée de l’Homme, 17 place du Trocadéro Paris 16e. Ouvert de 10h à 18h tous les jours sauf le mardi.

 

Visuel : affiche de l’exposition et EZ

Infos pratiques

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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