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La Commune, un siècle et demi après

La Commune, un siècle et demi après

17 December 2022 | PAR Nicole Gabriel

Le musée d’art et d’histoire Paul Éluard de Saint-Denis présente jusqu’au mois de mars 2023 la plus riche exposition qui soit consacrée à la Commune sous le titre Insurgé.e.s! Regards sur celles et ceux de la Commune de Paris de 1871.  La ville détient donc dans sa basilique la nécropole des rois de France et dans son musée une importante iconothèque communarde.

Révolutions

Le Musée reprend le titre du roman de Jules Vallès en incluant le féminin pluriel et en le faisant suivre d’un point d’exclamation, signe d’impératif et d’enthousiasme. Laure Godineau et Anne Yanover, les commissaires, rappellent que, pour partie, les collections dionysiennes sont celles réunies pour l’expo municipale de 1935 dont un des visiteurs fut Walter Benjamin qui la jugea « exemplaire ». C’était la première consacrée à la Commune. « Il ne s’agissait pas, expliquait Jacques Doriot, alors maire de Saint-Denis dans le catalogue, de donner un point de vue partisan sur les événements, mais de faire voir côte à côte des documents témoignant des diverses orientations politiques en présence.” D’où le choix d’une approche iconographique des événements. Tel est également le parti pris de la commémoration des 150 ans de la Commune en collaboration avec un panel d’intellectuels, d’historiens, d’enseignants et d’artistes qui font dialoguer présent et passé.

Dessins, estampes, affiches, journaux, photos, correspondances, peintures, sculptures, reliquaires, parmi lesquels le manuscrit de L’Insurgé (don probable, selon Julien Donadille, du banquier René Gaston-Dreyfus  qui l’avait acquis en 1934 lors de la vente des papiers de la journaliste féministe Séverine) occupent les deux étages de l’ancien Carmel. Ces documents et témoignages évoquent cette période brève du 16 mars  au  29 mai 1871 qui a marqué l’Histoire.  Non seulement en France, mais en Angleterre où Karl Marx se tenait au courant jour par jour par la presse et ses contacts personnels puisqu’il publia, dès juin 1871, The Civil War in France. Deux essais de Bakounine devaient suivre. L’historien Quentin Deluermoz rappelle que de nombreux volontaires internationaux vinrent combattre, dont le Polonais Dombrovski et la Russe Élisabeth Dimitrieff. Grâce au télégraphe, la Commune rencontra un fort écho médiatique en Europe, aux États-Unis, en Australie et jusqu’en Inde. L’exécution d’une « pétroleuse » fit la couverture de The Graphic, en juin 71.

Pierre-Henri Zaidman souligne l’importance de la Garde nationale de la Seine, créée en 1789, active en 1830 et 1848, composée de citoyens-soldats : “La guerre contre la Prusse favorisa son développement et sa militarisation. Ses effectifs passèrent de 24.000 à 300.000 et de 60 bataillons à 254 ». L’entrée des Prussiens dans Paris et le refus de désarmer sont à l’origine de l’insurrection. Dans un premier temps, Paris est vainqueur, puisque entrée le 16 mars, l’armée régulière (celle de Thiers) fraternise avec le peuple. Le gouvernement se retire alors à Versailles. Des élections municipales directes conduisent à la proclamation de la Commune le 28 mars. Une des premières décisions fut de supprimer l’armée permanente et de la remplacer par le « peuple en armes ».

Sous les pavés, la plage

Ludivine Bantigny estime que la Commune qui s’origine dans la Révolution Française a, à son tour, influencé la genèse et le déroulement de mai 68 : on y trouve déjà le spontanéisme, l’importance de la parole, le rôle de la presse, de la télé-communication, des affiches, une participation féminine importante, sans parler des barricades et des pavés. L’historienne prend l’exemple de Zélie Giraud. « qui a montré son courage, sa bravoure même face aux tenants de l’ordre social ». Cantinières et infirmières illustraient déjà la lutte des femmes, quoiqu’encore  privées du droit de vote. Ou, à l’instar d’Hortense Machu, elles ont pris le fusil ou pointé le canon pour défendre les barricades. Les femmes se battent et débattent :  Mathilde de la Reyre commente le dessin de Lix représentant un débat d’un club de femmes, le 12 mai, à l’Eglise Saint-Germain l’Auxerrois. On y voit une femme en chaire. Il faut dire que la Commune avait décrété le 3 avril la séparation de l’Église et de l’État, document qui figure dans l’exposition.

Les femmes sont largement représentées par les dessins de presse et des photos. Suivant le côté de la barricade où se situe le photographe, le regard est bienveillant ou caricatural. Un cliché du photographe américain installé rue des Martyrs, J.M. Lopez montre Louise Michel, Marie Ferré et la Polonaise Paule Mink comme un trio sororal. En revanche, les cartes postales du photographe expert près des tribunaux, Eugène Appert, présentent Hortense David, Léontine Suetens, Marie-Christine Dargent et Clara Fournier dans la prison des Chantiers à Versailles. Michelle Audin illustre la « Semaine Sanglante”  qui a suit l’entrée des Versaillais à Paris le 21 mai par une lithographie de Picchio, « Le Triomphe de l’ordre, le Mur des Fédérés » et une  autre de Manet « Guerre civile ».

 “Ce fut d’abord une guerre de rue”. Rues bientôt “jonchées de cadavres” triomphait Thiers. La ville est conquise quartier par quartier. Prosper-Olivier Lissagaray parla de 20.000 morts : “une véritable Saint-Barthélémy”. Après la tragédie, la farce. Une série de photos de Bruno Braquehais montre le démantèlement, le 16 mai 1871, de la colonne Vendôme, symbole impérial puisque surmontée d’une statue de Napoléon 1er. Événement prophétisé par Marx en 1852 dans Le 18 Brumaire, idée reprise par Courbet dans une lettre au gouvernement de défense nationale dès 1870, ce qui lui valut quelques ennuis quand tout rentra “dans l’ordre” : six mois de prison et, en 1873, le financement à ses frais de la reconstruction de la colonne, soit une somme de 323 091,68 francs.

Visuel : Louise Michel, d’après une photo prise à la prison des Chantiers à Versailles en 1871 par Eugène Appert.

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