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L’expo Enki Bilal ouvre au Fonds Hélène et Edouard Leclerc à Landerneau

L’expo Enki Bilal ouvre au Fonds Hélène et Edouard Leclerc à Landerneau

20 July 2020 | PAR Anne-Sophie Bertrand

Le Fonds Hélène et Edouard Leclerc présente Enki Bilal. Sous le commissariat de Serge Lemoine, cette exposition monographique est sans doute l’une des expositions les plus conséquentes dédiée à l’artiste, couvrant l’ensemble de son œuvre : planches originales, dessins, films, peintures… un immanquable pour les amateurs de BD, à découvrir jusqu’au 4 janvier 2021. 

 

 

Rentrez dans la tête de Enki Bilal

C’est sous un soleil charmant que le Couvent des Capucins, avec ses pierres bretonnes traditionnelles et son grand portail bleu, accueille de nouveau le public. Le Fonds Leclerc poursuit sa série de grandes rétrospectives en mettant cette année à l’honneur le célèbre auteur de bandes dessinées.

A certains moments adulé, puis décrié, il est difficile de mettre le travail de Enki Bilal dans une simple case. Son univers reconnaissable parmi 1000 est en rupture quasi constante avec son temps, tout en l’analysant pourtant objectivement et avec minutie. Bilal est certainement celui qui a redonné à la bande dessinée ses lettres de noblesse sur le marché de l’art, en créant une nouvelle syntaxe et en l’intégrant dans des champs plastiques et narratifs bien plus vastes.

Ces “transgressions” lui valent d’être reconnu dans le monde entier, et d’être notamment exposé à la Biennale d’Art Contemporain de Venise. Son oeuvre est influencée par différentes disciplines, courants artistiques et philosophiques.

La vision de Bilal est décloisonnée. C’est ainsi qu’a été également pensée l’exposition. Nous rentrons dans des cellules thématiques, “comme des lobes cérébraux” précise-t-il, qui lui sont chères sans considération chronologique et technique : la ville, la machine, l’animal, la géopolitique, la métamorphose, l’intimité… On parcourt les salles comme si nous oscillions dans l’esprit de l’artiste. 

Une oeuvre engagée, mais pas militante 

C’est justement cet “esprit” qui est interrogé dans l’oeuvre de Bilal. Il dissèque “l’humain”. Qui est-il ? Quelles sont ses croyances ? Comment va-t-il évoluer ? Sous une apparence futuriste et onirique, l’artiste traite de sujets historiques et d’actualité contemporaine… Il observe le monde, le dépeint dans sa réalité la plus objective. Il y a parfois du désarroi, de la violence mais ces moments sont sporadiques, volatiles et s’échappent du cadrage par la couleur et le mouvement. Rares sont les moments où le rouge est fixe ou en aplat sur la toile.

La violence est éphémère, les points de fuite hors cadre. Il utilise cet environnement comme un théâtre des comportements et des émotions, pour lequel l’espoir et la complémentarité des individus, des espèces et des éléments sont toujours la finalité. Il faut rentrer dans un chemin de paix. C’est d’ailleurs par la thématique de “l’intimité” que ce conclut le chemin de l’exposition, unique voie vers la sortie. 

Comme il affirme très justement, aucun homme n’est manichéen de naissance. Dans ses travaux, les niveaux de gris apportent toujours de nombreuses nuances, empêchant l’établissement du bien et du mal. C’est cette manière d’appréhender les différentes synergies entre les individus, les animaux, la relation à la ville, qui retient l’attention du public, sans le mettre totalement à l’aise. Car si les oeuvres s’éveillent davantage comme une ode à la vie et à l’évolution des sociétés, elles rappellent aussi que les seules limites relatives à une évolution positive résident dans le sentiment de suffisance et tout puissance des individus.

Le récit de Enki Bilal, c’est aussi la confrontation à de nombreuses situations absurdes, et disproportionnées; qu’il s’agissent des relations interpersonnelles, intergouvernementales ou face au progrès. L’être humain se voit instrumentalisé au service de sa propre défaillance. Le public se retrouve donc en tête à tête avec ses propres contradictions.

 

Transmission et mémoire

Si les rapports avec le cinéma et le théâtre ne sont plus à démontrer dans le travail de Enki Bilal, cette exposition met aussi en lumière les nombreuses références à l’Histoire de l’Art. De Albrecht Dürer à Francis Bacon, de Francisco de Goya à Rebecca Horn et Man Ray… La filiation semble de plus en plus évidente au fur et à mesure de la déambulation dans l’exposition.

Mais Enki Bilal ne se contente pas d’utiliser des éléments graphiques. Il se sert de ces inspirations comme point de départ, pour recréer une toute autre narration. Il s’agit ici davantage de transmission et de mémoire. Ces parallèles permettent de se détacher d’un rapport linéaire et chronologique, et font entrer son travail dans un sorte d’intemporalité et d’universalité. Il montre un art en mouvement, pensé pour transmettre une certaine vision du monde. Un monde qui mute, mais qui a besoin de corréler les éléments pour transmettre une certaine vérité. 

La mise en commun de ces matières, le jeu des différents formats et la définition de certaines perspectives dans la scénographie de cette exposition montre la richesse de la pensée de cet artiste. 

Avec l’installation sonore “Inside Picasso” créée spécialement pour l’exposition, Bilal rend hommage à ses “maîtres” non pas uniquement par la peinture, mais  par la réinterprétation des personnages de Guernica (Picasso), en leur donnant une voix par la lecture d’extraits de son récent ouvrage Nu avec Picasso (Ma nuit au Musée, juin 2020, éditions Stock). Les personnages de ce chef-oeuvre sont alors transportés dans une nouvelle réalité, sorte de fantasme de l’auteur lors d’une nuit passée au Musée à Paris. Le récit, contemporain et décalé, redonne vie aux symboliques, et tend à une certaine complétude pour éveiller le public à une nouvelle manière de décrypter ces oeuvres connues de tous. 

 

Déroutant. 

 

Attention : les tickets doivent être réservés en ligne.

 

 

 

 

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Anne-Sophie Bertrand

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