
Agnès Varda au XXIème siècle : causerie à la Fondation Cartier
Dans le cadre des Les Nuits de l’Incertitude, Hervé Chandès discute avec Varda la plasticienne dans la tranquillité nocturne du jardin de la Fondation Cartier. Extraits.
Patates de glaneuse. Agnès Varda commence sa causerie en parlant toute seule sur des “Glaneurs et la Glaneuse” (1999), le temps du glanage n’est pas celui du cinéma . Elle fait un parallèle entre ses pommes de terre de toutes les formes, et les gens hors format, hors norme, pas trop en forme. Elle même est en forme, habillée de violet, la couleur des germes de ces patates qu’elle a fait vieillir : et puis apparaît la première pomme de terre en forme de cœur, je la veux, dit-elle. Puis, vient la rencontre avec Hans Ulrich Obrist. Je m’étais commandée un costume de patates pour “Patatutopia” à Venise, 700kg de pommes de terre formant une œuvre de pourriture avec laquelle elle fait son entrée dans le groupe des artistes visuels (elle dit « visuel plutôt que “plasticiens” parce que l’on dirait que tu fais du plastique).
Regrouper les choses. Après avoir découvert le travail d’Agnès Varda chez Martine Aboucaya, Hervé Chandès, , directeur général de la Fondation Cartier pour l’art contemporain lui propose d’y faire venir son monde. Elle est très fière de tout, mais surtout du rideau marée basse à Noirmoutier qu’il faut traverser pour rentrer dans l’expo. On voit la cabane en bobines de films en images, qui est presque plus belle qu’en vrai avec des gros plans de Deneuve et Piccoli dans « Les Créatures » (1966), puis l’installation autour des “Veuves de Noirmoutier” (2006). Elle commence à grouper les choses sur lesquelles elle avait travaillé avec ses veuves qui voyagent en Chine, en Argentine. Ça lui donne confiance en l’art qui traverse les frontières et les âges.
Les vaches ne bougent pas beaucoup.. Elle parle aussi de son âge, je viens de passer les 90 et je m’en fiche … Elle veut faire vivre des souvenirs liés à ses films, créer de l’émotion au présent comme lorsqu’elle retrouve les enfants de “La Pointe Courte” (1955) et leur fait pousser une charrette transportant un écran projetant l’image de leur père mort pendant le tournage. Il y a ces “triptyques atypiques”, ces histoires d’arbres, de chats et de vaches : Les vaches ne bougent pas beaucoup, c’est une réflexion sur le mouvement. Ou ce dernier triptyque avec au centre une éplucheuse de patates (encore) et des vantaux que l’on peut ouvrir pour découvrir le hors champ de la scène, la mer entre autres. Enfin, cette image où on la voit s’effacer dans une tempête de sable, assise à côté de JR sur un banc dans “Visages Villages” (2016). C’est pas mal pour finir cette causerie, je disparais, je vous quitte, dit-elle.
Crédit photo : @CinéTamaris