Politique culturelle
Sylvain Amic : “La réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie est la première institution muséale (et la seule à ce jour en France) à s’être dotée d’une charte Egalité Femmes – Hommes”

Sylvain Amic : “La réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie est la première institution muséale (et la seule à ce jour en France) à s’être dotée d’une charte Egalité Femmes – Hommes”

13 January 2020 | PAR Amelie Blaustein Niddam

A l’occasion du colloque L’Argument de Rouen qui aura lieu à l’Hôtel des sociétés savantes, à Rouen, le 5 février, nous avons demandé à Sylvain Amic, Conservateur en chef, Directeur de la Réunion des Musées Métropolitains, de nous parler de cet événement, et de façon plus large, de l’actualité des questions qui traversent la muséologie.

 

Quelle a été la motivation de ce colloque ?

Notre première motivation est de mettre en débat les politiques muséales avec la société civile. En effet, rares sont les occasions pour le public de discuter avec des responsables de musées, des chercheurs, des artistes, et d’interroger les choix qui sont fait en son nom dans les institutions culturelles. L’Argument de Rouen est le seul rendez-vous national de ce genre. Nous choisissons chaque année un thème qui nous paraît en phase avec les préoccupations contemporaines. Il nous a semblé que la hiérarchie entre haute et basse culture, entre beaux-arts et arts populaires, entre le centre et les marges, n’avait plus cours, et qu’il était important de réinterroger les musées sur leur positionnement. Aujourd’hui, le cinéma, le jeu vidéo, la bande dessinées, la pop culture, voire la contre-culture apparaissent dans certaines programmations. Est-ce qu’il y a des cultures plus légitimes que d’autres ? Tout est-il égal par ailleurs ? Le débat doit être éclairé, et posé.

Où se tiendra t-il et qui sont les invités ?

Comme son nom l’indique, L’Argument de Rouen se tiendra à Rouen, à l’Hôtel des sociétés savantes, le 5 février de 10h à 18h. L’entrée est libre et gratuite mais il vaut mieux réserver sa place. Plusieurs tables rondes et interventions sont proposées. L’invité d’honneur est Antoine de Galbert, collectionneur et fondateur de La Maison Rouge à Paris. On pourra dialoguer avec des spécialistes qui ont participé à l’introduction dans les musées de l’art brut, du punk, du folklore, de l’agit-prop, mais aussi rencontrer des artistes comme Hervé di Rosa, l’inventeur du musée des arts modestes à Sète, Fantazio, Lek et Sowat qui vont réaliser des performances ou encore partager la vision de personnalités comme Chris Dercon, qui dirige le Grand Palais, ou Barbara Plankensteiner, la directrice du MARKK à Hambourg.

Sur le fond, voici une question qui me taraude. De plus en plus de médiation se développe en dehors des musées, mais pour les expositions permanentes, c’est plus difficile, les scénographies évoluent peu. Pourquoi est-ce plus difficile d’adapter les salles permanentes aux nouveaux objectifs de médiations ?

La scénographie a pris une part essentielle dans la conception d’un projet d’exposition. Pour ma part, j’y ai toujours accordé un grande attention, comme en 2012 pour mon exposition Bohèmes, mise en scène par Robert Carsen au Grand Palais. Je pense qu’une partie du propos peut se communiquer de façon plus intuitive avec une scénographie intelligente, mais certains pensent à l’inverse que cela désacralise l’œuvre d’art et prêchent pour des murs immaculés. Il me semble qu’il s’agit d’habitudes formelles dont nous héritons, et qu’il est permis de tenter un pas de côté. Dans le minimalisme comme dans l’excès. Mais les enjeux des grandes expositions sont tels aujourd’hui, que la prise de risque est de plus en plus difficile. Cela aseptise quelque peu les propositions, à tout point de vue.

Les outils numériques sont de plus en plus développés au sein des musées pour faciliter l’accès aux expositions permanentes et temporaires, selon vous, comment utiliser/développer ces outils de manière efficace ?

Les injonctions sont rarement productives, et les nouvelles technologies exercent en l’espèce une sorte de dictat auquel il est difficile de résister. Or, passé quelques secondes d’excitation, les outils développés dans les musées se révèlent à l’usage peu convaincants, et très vite obsolètes. Quant aux images agrandies et immersives, pendant combien de temps feront-elles sensation ? Les autres univers virtuels sont bien plus suggestifs et l’expérience plus puissante. En revanche, je pense qu’il manque pour les musées des solutions globales, qui puissent vous accompagner en tout lieu. En fait, les véritables outils du visiteur, c’est le web, la circulation des données, et l’ingénierie collaborative. Je pense que les institutions devraient plutôt piloter et faciliter l’appropriation culturelle que de vouloir transmettre des contenus par voie descendante, habillés en application ou en chatbot. Nous devons rester dans notre position d’expert de référence mais accepter de ne pas être propriétaire du discours sur les œuvres.

Pour finir, ma dernière question est très actuelle. Les artistes qui sont des femmes demandent depuis plusieurs décennies à être plus représentées dans les collections permanentes (et non juste temporaires) des musées français. Comment regardez vous cette demande ?

La réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie est la première institution muséale (et la seule à ce jour en France) à s’être dotée d’une charte Egalité Femmes – Hommes. C’était le thème de L’Argument de Rouen en 2018.

Nous prenons cette question très au sérieux, et de façon systémique. Augmenter la présence des artistes femmes dans les collections est bien entendu une nécessité impérieuse, à laquelle on oppose souvent le temps et les moyens. Mais rien n’empêche d’expliciter l’invisibilité des femmes dans les collections, de ne pas véhiculer de stéréotypes de genre dans les contenus produits, de faire respecter un temps de parole égal entre filles et garçons dans les visites de groupes, etc. Ce sont des choses simples, qui ne demandent pas de moyens, juste une prise de conscience de l’ensemble des intervenants, de la conception à la médiation.

Visuel : affiche du colloque

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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