
Sarah Koné la directrice de Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique raconte comment faire “grandir sur scène”
Attendre depuis un an de jouer et chanter Le Voyage dans Lune de Jacques Offenbach n’empêche pas la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique de répéter ! Et si vous participez à son actuelle levée de fonds participative sur kisskissbankbank, vous pourrez non seulement y assister, mais votre nom pourra apparaître sur scène avec les “maitrisiens”. La cheffe d’orchestre et metteuse en scène Sarah Koné dirige ce programme artistique, éducatif et social unique qui propose à des jeunes de 8 à 25 ans de toutes origines sociales de “Grandir sur scène”. Montez à bord de la fusée lyrique pour en apprendre plus sur les coulisses de la Maîtrise Populaire.
Qu’est-ce qui vous encourage, maintenant en mars 2021, à lancer votre deuxième opération de crowdfunding ?
Après une année mouvementée, l’approche du projet phare des maitrisiens, Le Voyage dans la Lune de Jacques Offenbach, nous a paru être le meilleur moment pour lancer notre deuxième opération de crowdfunding. Cela fait plus d’un an, après un premier report en mai 2020 à cause de l’épidémie, que la Maitrise Populaire attend de jouer cette production, mise en scène par Laurent Pelly. Cette année, le spectacle devrait avoir lieu à partir du 18 avril 2021. S’il n’y a pas de public à cause des mesures sanitaires, le spectacle aura quand même lieu et il sera capté pour la télévision.
Pourquoi faire appel aussi au public comme mécène ?
Depuis des mois, l’Opéra Comique fonctionne sans recettes de billetterie, ce qui nous pousse à demander le soutien du public pour soutenir les productions captées et diffusées à la télévision, mais aussi le projet de la Maitrise Populaire dont la formation est entièrement gratuite et financée à 70% par du mécénat. En soutenant ce projet, le public permet à 120 jeunes, dont 60% proviennent d’établissements REP et REP+, de bénéficier d’une formation d’excellence aux arts de la scène et de monter sur le plateau de l’Opéra Comique.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre équipe ?
La Maitrise Populaire est une maitrise pluridisciplinaire. Je suis donc entourée d’une quinzaine de professeurs de chant, de danse, de technique vocale, de piano, de théâtre, de claquettes… qui transmettent leur passion et partagent mes objectifs et mon ambition.
Pouvez-vous nous expliquer tout ce que contient la proposition « Grandir sur scène » faite aux 8-25 ans qui suivent ce programme ? Comment se déroule un cursus chez vous ? Est-ce le même à 10 ou 20 ans? Combien d’heures de cours ? Quelle exposition à la scène ?
Selon les cycles, les maitrisiens suivent un parcours artistique plus ou moins dense. Les pré-maitrisiens ont 5h30 de cours par semaine, les collégiens près de 10 heures, les lycéens sont en mi-temps, soit un peu plus de 12h et les plus grands, les élèves de 3e cycle entre 15h et 18h. Sur ce temps passé à la Maitrise ils sont réunis par petits groupes, par classe, par niveau ou en tutti pour leurs enseignements artistiques ce qui constitue une partie du cursus. La deuxième partie de ce cursus, c’est la scène. En dehors de la période de crise sanitaire où l’activité générale est fortement ralentie, la maitrise peut être sollicitée entre 30 et 40 fois pendant l’année scolaire pour des concerts, des productions, des figurations ou collaborations sur des opéras de la saison, soit en effectif complet, soit en effectifs distribués. La plupart de ses activités artistiques se déroulent à l’Opéra Comique, mais la Maitrise participe également à des événements organisés par ses partenaires publics et privés (fête de la Musique, cérémonies commémoratives, vœux, inaugurations, soirée des pièces jaunes…)
Les étudiants ne sont pas des professionnels quand ils commencent, mais il y a tout de même des auditions : quels sont les critères et comment quadrillez-vous le territoire ?
Nous détectons des talents, des potentiels, mais avant tout des envies de rejoindre la troupe de la Maitrise. À 12 ans, les voix ne sont pas définitives, nous savons qu’elles vont évoluer, par conséquent l’audition est avant tout une rencontre avec des enfants qui ont eux-mêmes un rapport à la musique ou à la danse qui exprime quelque chose. Nous veillons également à l’équilibre du chœur, ce qui guide forcément nos choix. C’est un tout. Les auditions sont accessibles, car ouvertes à tous sans prérequis musical ou scolaire, mais tous ne nous connaissent pas. Aussi depuis 2018, nous allons à la rencontre des élèves plus éloignés des réseaux de l’éducation artistique en organisant des « détections » comme dans le foot. C’est la tournée de recrutement. Chaque année, au moment des auditions, nous posons nos valises dans une ville en périphérie parisienne et auditionnons tous les CM2 d’écoles situées en zone d’éducation prioritaire. C’est un projet que nous menons avec les circonscriptions locales de l’éducation nationale. Ce recrutement reste par conséquent essentiellement francilien. Nous avons néanmoins de plus en plus d’élèves non franciliens qui candidatent pour une entrée en 2e cycle (au lycée). Ils représentaient 50% des candidats en 2020. Certains ont intégré la Maitrise et sont hébergés par des familles d’accueil pendant le temps scolaire.
Comment se sont passés les cours en temps de coronavirus ? Ou en est le spectacle Le voyage dans la lune ?
Entre mars et juin 2020, l’activité en présentiel a été suspendue. Néanmoins depuis septembre, les cours ont repris et n’ont jamais été interrompus. Ils se sont déroulés avec un protocole strict qui a permis d’éviter les clusters : port du masque obligatoire, distanciation physique, limitation des jauges et des brassages. Nous avons la chance d’avoir un directeur qui a décidé de maintenir l’activité artistique en menant les productions au terme de leurs créations, même sans public et inventant de nouveaux modes de transmission, captations, soirées de concert adaptées et diffusées par les chaines de télévision. Le Voyage dans la lune qui était programmé en mai 2020 a été reporté en avril 2021. Il aura bien lieu, avec ou sans public et les maitrisiens ont d’ores et déjà repris les répétitions avec Laurent Pelly, à l’aide de tests et en croisant les doigts pour que nous ne soyons pas à nouveau confinés. Notre activité souffre depuis maintenant plusieurs mois, le maintien des cours et la poursuite des objectifs artistiques sont un enjeu fondamental surtout pour des jeunes en construction.
Quels sont les impacts pour les étudiants de la mixité sociale du programme ? La mixité permet à des élèves qui ne se seraient peut-être jamais croisés de grandir ensemble. C’est un défi au déterminisme social. Cela ne peut que renforcer la cohésion, le respect, la tolérance, l’ouverture d’esprit. Quand vous prenez du recul, depuis le début de l’aventure de quoi êtes-vous le plus fière ?
La chance que j’ai avec la maitrise c’est que je ne manque pas d’occasion d’être fière ! La réussite des plus grands que j’accompagne depuis qu’ils ont 10 ou 11 ans, qui au conservatoire de Paris, qui dans une école de danse londonienne. C’est une explosion de fierté de celle de la famille de l’engendrement. Car ces grands-là ils ont à force en eux un peu de moi. Mais ma dernière fierté, c’était hier, avec une petite élève recrutée l’an dernier en plein confinement et pour qui la vie n’est pas toute rose et que nous accompagnons du mieux que nous pouvons. Et alors qu’avec sa classe nous faisons notre tournée de recrutement, l’entendre dire aux CM2 que nous rencontrons « Vous ne devez pas vous inquiéter parce que la maîtrise elle vous accompagne toujours, si besoin elle est comme votre famille ». Alors voilà ma plus grande fierté c’est de les voir tous grandir et se transformer en êtres exceptionnels !
Soutenir la Maitrise Populaire de l’Opéra Comique : ICI
Visuels : MPOC (c) Quentin Croisard / Sarah Koné (c) S Brion / Photo de couv’ : FRANCE. Paris. Le 24 juin 2020. La Maitrise Populaire de l’Opéra Comique, dans la cour du Palais Royal. Opération En-chantons l’été, menée par la Fondation Bettencourt Schueller.