
Naufragé(s), portrait doux dingue et à deux voix de Gabriel F
Danseur et performeur, Gabriel F. joue avec malignité et sincérité de son obsession à parler de soi dans Naufragé(s), spectacle présenté au Théâtre du Rond-Point. Un autoportrait plein de tendresse et d’autodérision bousculé par la présence complice de Gaspard Liberelle.
Narcissique assumé, Gabriel F. a écrit, a mis en scène, et interprète un monologue autobiographique qui n’a d’autre vocation que celle de raconter sa plus belle histoire d’amour jamais vécue. L’amourette est pour le moins fugace mais déterminante selon lui. Il narre donc sa rencontre avec un jeune garçon dans un bar lors d’une soirée karaoké comme il les affectionne particulièrement, lui qui possède plus de 2000 titres de chansons tristes dans la playlist de son téléphone portable et rêve sa vie comme un film de cinéma, continuellement accompagné des sons perlés et éthérés de Max Richter en bande-son.
S’il brouille les pistes entre fiction et réalité théâtralisée, Gabriel F. prétend que tout est vrai, qu’il joue sa vie, son propre rôle. Peu importe que cela soit vrai ou non. L’émotivité communicative dont il faut preuve tout comme l’irrésistible loufoquerie de ses excès ; tout plait, séduit chez lui.
La représentation ne peut pour autant se résumer à sa seule présence jubilante. L’artiste est accompagné par un drôle de personnage, jeune prostitué hagard, rencontré dans la rue et aussitôt embauché comme partenaire de scène pour conjurer un tenace et effrayant sentiment de solitude. D’abord mutique et appliqué, par obligation,
celui-ci ne respecte bientôt plus les règles du contrat et intervient dans le spectacle au risque de le détruire ou de lui faire prendre une nouvelle direction qui impose, malgré les volontés de son signataire, un vrai échange.
Dans une forme minimaliste mais haute en couleurs, tout repose sur ce couple improbable. Il naît entre eux quelque chose de profondément sensible et léger, de délicat et déluré. Ils disent simplement le besoin de l’autre, d’aimer et d’être aimer.
Crédit : Diego Bresani