Small was beautiful – SXSW 2015
Il y avait un slogan à la mode dans les années 80 : Small is beautiful, les organisateurs de SXSW feraient bien de s’en rappeler. SXSW est devenu au fil des années une sorte de pièce montée indigeste, comme si un pâtissier qui a rencontré un formidable succès avec un gâteau à la fraise présenté dans une petite vitrine, rajoute ensuite une couche de chocolat puis de banane, puis de framboise au lieu de multiplier les gâteaux et d’agrandir sa vitrine… C’est un peu ce qui c’est passé pour SXSW.
Coté musique plus de 2000 artistes et groupes en programmation officielle sur plus d’une centaine de scènes, cinq à six cent artistes si ce n’est plus dans le off, un festival du film avec 150 long métrages dont plus d’une vingtaines consacrés à la musique, à peu près autant de courts métrages, sans parler des conférences, du salon interactif, de l’expo de jeux vidéos, de Flat Stock (le salon d’affiches de concert), des événements parallèles, concerts privés, parties…
Coté films nous retiendrons le très émouvant “The Ecstasy of Wilko Johnson” documentaire réalisé par Julian Temple sur Wilko Johnson, formidable guitariste anglais membre de Dr Feelgood . Diagnostiqué par erreur d’une tumeur cancéreuse qui ne devait lui laissé que quelques mois à vivre Wilko nous raconte comment au sortir de chez son médecin il découvre que le monde vibre de détails, de couleurs auxquelles ils ne faisaient pas attention jusqu’alors, l’Extase de Wilko Johnson… Le fait de connaitre la date de sa mort pouvant apporter paradoxalement une véritable joie de vivre.
Les biopics musicaux, c’est généralement une narration linéaire, des erreurs de casting, des fautes souvent monumentales dès qu’on met les pieds dans un studio d’enregistrement, micros à l’envers parce qu’il est plus joli dans ce sens là, magnéto japonais… ou sur une scène, avec le micro qui part systématiquement en larsen dès que le chanteur le touche… Love and Mercy fait exception à la règle évoquant à merveille la vie complexe de Brian Wilson, la solitude et la difficulté d’être un génie, avec les formidables John Cusack et Paul Dano qui incarnent tour à tour Brian .
Danny Says le publiciste, manager, ami et confident a travaillé avec les artistes qui ont vraiment compté dans la scène américaine des années 60 et 70 que ce soit Iggy and the Stooges, MC5, Nico, le Velvet Underground, les Doors et bien sur les Ramones. 1h44 d’histoires et d’anecdotes, extraites de cent heures d’interviews et d’archives personnelles, un documentaire passionnant, vivement une sortie en DVD avec des bonus ou un livre de mémoires.
Robert Rodriguez le cinéaste-entrepreneur-héros local nous a offert une visite guidée du mini musée éphémère, ouvert pendant la durée de SXSW, des œuvres de Frank Frazetta, Frank Miller et Sebastian Kruger qu’il collectionne. Robert Rodriguez a l’enthousiasme communicatif d’un enfant, mais c’est l’adulte qui nous a éclairé sur les techniques utilisées par ses peintres favoris. On espère que dans le futur ce musée pourra prendre un e forme permanente.
Mavis est un autre film à voir, documents d’époque, anecdotes, comme la demande en mariage de Bob Dylan, racontées par l’éternelle adolescente Mavis Staples. Mavis accompagnée de son guitariste nous offrira, après la présentation du film deux très beaux morceaux. La soul conserve plutôt bien, l’adolescente n’a que 75 ans.
Les autres films dont il va falloir guetté la sortie en France : The Theory of Obscurity le documentaire sur les Residents, beaucoup de documents inédits dans la première moitié, comme les bribes du premier concert en 69; tous les fans de Heavy Metal et d’horreur ont rêvé d’un film, Jason Lei Howden l’a fait avec Deathgasm; quand un français, Antoine Bardou-Jacquet, agite dans un shaker The Snatch et Capricorn One, ça donne Moonwalker et le mélange est détonnant.
En l’honneur de la projection de He never died, le premier film avec Henry Rollins dans un rôle principal, il y avait une fête privée où j’ai pu avoir une longue discussion avec Henry Rollins abordant la singularité du Texas dans le paysage américain, la passerelle entre les groupes d’Austin et de L.A. dans les années 80, son admiration pour Metal Urbain qui apparait régulièrement dans la playlist de son émission de radio et une anecdote intéressante : il a d’abord acheté la version de No Fun par Doctor Mix and the Remix avant l’album des Stooges où se trouve l’originale. He never died : immortalité, crime biblique et rapport parentaux, en quelques mots voici le résumé, le réalisateur Jason Krawczyk s’en tire plutôt bien pour un premier long métrage, à voir surtout pour la très bonne performance d’Henry Rollins.
Coté salon interactif, beaucoup s’essayent a inventer la plateforme définitive qui attirera tous les artistes, sans donner l’impression d’y parvenir… la mode est aussi coté musique à la collaboration en temps réel, là aussi pas mal d’idées mais rien de bien convainquant. Coté hardware plein de réalisations intéressantes du coté des japonais et des coréens, comme ce bras bionique fabriqué à l’aide d’une imprimante 3D et entièrement programmable. www.udesigner.co.kr une start up coréenne qui propose une application qui va vous permettre de dessiner la paire de chaussures dont vous avez toujours rêvé en trois minutes et de vous les livrer, voire de les ajouter à leur boutique en ligne. L’application en vedette était Firechat, qui permet de créer un mini réseau pour communiquer en blue tooth dans un rayon de 500 mètres… le talkie walkie du futur…
Beaucoup de conférences certainement très intéressantes mais éparpillées à travers le Convention Center et tous les hôtels (de luxe) de la ville, les organisateurs parlent de convergence entre la musique, le film et l’interactif, mais empiler trois événements les uns sur les autres et les situer dans des lieux à des kilomètres les uns des autres aboutit plus à de la frustration qu’à de la convergence.
En parlant de kilomètres il va falloir en faire pour voir les groupes, un avantage avec le passe presse et surtout le passe photo, on évitera les queue interminables pour assister aux concerst.
On retiendra surtout cette année:
Le concert des Residents, dont les prestations vont se faire de plus en plus rares puisque Randy, le chanteur, a annoncé le départ de Chuck qui prend sa retraite. Il n’y a plus que deux Residents après cet historique et très beau ce show au Paramount.
Les Damned dans un Mohawk bondé à craqué, en concert pour accompagner la première mondiale du documentaire qui leur est consacré. Quelques problèmes techniques perturbèrent le début du concert, tout à fait normal d’après Captain Sensible qui pense qu’une malédiction les poursuit. Une fois les petits gremlins électriques éliminés, les Damned ont mis le feu a Mohawk.
Charles Bradley & His Extraordinaires ce grand patron de la soul et du rhythm ‘n’ blues nous a offert un des meilleurs concerts de cette année, sur la scène en plein air d’Auditorium Shores devant quelques dizaines de milliers de spectateurs. Un talent énorme, une réelle joie d’être sur scène, que le public était visiblement heureux de partager.
Et aussi Piñata Protest, du punk rock Tex-Mex, accordéon et guitare… Trampa plutôt punk mélodique avec un soupçon de fusion, les Barberettes, réincarnation coréenne des Shirelles, Robert Rodriguez (le cinéaste guide de musée) et ses potes de Chingon, Les rockers maliens de Songhoy Blues qui jouaient à l’Hotel Vegas avant le Pop Group et leur concert raté. Songhoy Blues était à Austin pour la première mondiale du film “They will have to kill us first” qui relate leur histoire et celle d’autres artistes maliens face aux intégristes qui ont envahi le nord du Mali.
La pluie s’est invitée le vendredi et samedi, perturbant les scènes en plein air et les nombreux concerts gratuits. Un petit malin a planté une pancarte où on pouvait lire : La pluie c’est dieu qui parle, vos groupes puent… amusant sauf qu’au Texas on peut s’attendre à du premier degré.
Certainement pas une des meilleures éditions pour la musique, mais le festival du film a de plus en plus d’allure.