Théâtre
« Toujours la tempête » : du théâtre comme au bon vieux temps

« Toujours la tempête » : du théâtre comme au bon vieux temps

11 March 2015 | PAR Christophe Candoni

Faute de vie sur la scène des ateliers Berthier de l’Odéon, Toujours la tempête, le très beau texte de Peter Handke mis en scène par Alain Françon peine à captiver.

Une « lande-steppe ». Un terrain vaste et désolé. C’est le cadre que donne Peter Handke à son dernier texte dramatique, un décor inspiré d’un passage du Roi Lear, psychodrame familial et générationnel par excellence comme l’est également Toujours la tempête. Il n’y a pourtant pas de patriarche. Le narrateur (Laurent Stocker) n’a pas connu son père, un soldat allemand de passage avec qui sa mère batifole librement pour une seule nuit d’amour et se retrouve enceinte. La mère est jeune, séduisante, aussi vive et radieuse que sa sœur est sombre et ténébreuse. Les grands-parents sont paysans. L’oncle et les autres hommes de la famille sont appelés au front. Certains y disparaîtront, comme Benjamin, cadet de la famille, encore garçonnet. Valentin lui rêve d’Amérique. Tous cristallisent ce sentiment ambivalent qui oscille entre le détachement volontaire et la préservation résistante de leur terre natale, la Carinthie en Autriche, la langue, la culture, l’identité de cette terre tout à la fois paisible et rugueuse, accueillante et oppressive, menaçante et menacée.

Morts ou vivants, jeunes et anciens, ils y réapparaissent telles des ombres crépusculaires, et avec eux des bribes de vie, de souvenirs, de chagrins, d’espoirs, de discordes… fruits de la mémoire et de l’imagination de « Moi », personnage à la fois central et en retrait de la pièce, double par bien des aspects de son auteur, Handke lui-même. L’épopée familiale d’un fils bâtard qu’il raconte en chimères est nécessairement la sienne, La Carinthie, son peuple minoritaire d’origine slovène qu’il décrit avec justesse, l’histoire individuelle et collective qu’il traverse lui appartiennent aussi.

Là où Dimiter Gotscheff en Allemagne s’écartait de tout réalisme pittoresque en montant la pièce à Salzbourg et Hambourg en 2011 sous une pluie de confettis verts qui recouvraient la scène vide dans son entièreté, Françon opte moins pour l’abstraction que pour la figuration littérale d’un lopin de terre qui se présente en pente douce et irrégulière. Placés comme dans un tableau, les acteurs, tous des pointures, sont délicats mais figés et inégalement habités. Peu vivante et vibrante, la représentation atteint néanmoins quelques sommets que l’on doit à l’irradiante Dominique Reymond, petit feu follet d’une alacrité insolente.

Toujours la tempête est un des textes les plus intimes, les plus personnels de Handke à l’écriture si vraie, si humaine. S’il n’y est question que d’origines, de racines, de mémoire, cela ne justifie pas pour autant la représentation passéiste qu’en fait Alain Françon.

à 19h30 du mardi au samedi, 15h le dimanche. 3h20 avec un entracte. Photo © Michel Corbou

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