Performance
La grinçante mélodie du monde : Sound of Music de Yan Duyvendak

La grinçante mélodie du monde : Sound of Music de Yan Duyvendak

28 March 2016 | PAR Marianne Fougere

Réchauffement climatique, exodes, crashs aériens et tutti quanti : la maison monde brûle mais, rassurez-vous, tout va très bien Madame la Marquise ! Une performance réjouissante en ces sombres temps qui sont, bien à cause de nous, les nôtres.

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Performeur originaire des Pays-Bas, Yan Duyvendak est de ces artistes qui refusent de s’encombrer des catégorisations disciplinaires. Croisant allègrement théâtre et arts plastiques, ces créations, conçues en solo ou à plusieurs mains, sont autant de dispositifs protéiformes qui interrogent les contradictions de notre époque. Proposer des spectacles inoffensifs qui permettent de lâcher prise sans pour autant renoncer à se positionner dans le monde, tel est donc le pari fait par cet artiste. Pari gagnant dans le cas de Sound of Music.

Quand nous prenons place dans la salle 400 du 104 – après, il est vrai, nous être gentiment moqués de l’ouvreuse qui nous souhaitait un bon concert, alors que nous étions là dans le cadre du festival Séquence Danse, les interprètes sont déjà sur le plateau. Ils défilent, se mettent en jambes, sur une musique bien rythmée. Puis aux poses et aux pas de swing des danseurs se superpose sur un prompteur un texte, glaçant constat d’un monde qui court à sa perte. Des mots évoquant les suicides en masse des ouvriers d’Apple aux sourires ultra-bright des personnages haut en couleur qui ne cessent de passer et de repasser, le contraste est saisissant : on ne sait sur quel pied danser, on ignore encore à quelle sauce on va être mangés…

Sur quel ton, en effet, parler du réchauffement climatique ou des multiples crises que nous traversons, plus ou moins bien, depuis quelques années. Le monde va mal. Ce n’est pas faute de le répéter. Et pourtant rien ne change. Tel les musiciens du Titanic, en plein naufrage, nous continuons à jouer et à chanter charmés que nous sommes par une abrutissante mélodie : « All Right. Good Night », tel est donc le refrain – en réalité, les derniers mots prononcés par le commandant de bord du Boeing 777 de la Malaysia Airlines – qui va être repris en chœur tout au long du spectacle. Jusqu’à la nausée parfois. Yan Duyvendak a choisi d’éclairer l’aveuglement de la comédie du monde par le prisme du genre le plus divertissant qui soit, à savoir la comédie musicale – l’ouvreuse avait donc raison !

Derrière les paillettes et les visages avenants, les mélodies joyeuses composées par Andréa Cera et les chorégraphies envoûtantes d’Olivier Dubois, le livret écrit par Christophe Fiat tire à boulets rouges tout azimuts. Tous les malheurs du monde semblent converger, sans distinction ni hiérarchisation, mais the show must go on. Délibérément parodique, la performance dévoile, dans un esprit profondément brechtien, un à un les rouages d’une trop belle machine à rêve. Trop belle pour être vraie, d’une beauté trop désespérante pour ne pas être tragique. A tort ou à raison, la dystopie inquiétante imaginée par Duyvendak a de quoi déranger. Pourtant, on ne peut s’empêcher de rire ni de jouir à la vue du spectacle apocalyptique glamourisé qui s’offre à nos yeux et nous attend in real life très prochainement. Terrifiés et horrifiés, et puisque nous ne savons pas par quel bout commencer, nous avons qu’une seule envie : rejoindre au plus vite la marée humaine qui ondule sur le plateau. Le monde va mal ? « All right. Good Night » !

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