Exemple, la danse anthropologique de César Vayssié

Les Inaccoutumés, LE festival de performances de la Ménagerie de Verre, invite son résident, César Vayssié à étudier les corps dans leur relation au milieu d’habitation. Le cru, le cuit, le chaud, le froid, la montagne, le Franprix… Exemple met l’humain sous cloche pour le regarder, et c’est bien.

La dernière fois, nous avions laissé César Vayssié et Olivia Grandville (qui présentera A l’Ouest en clôture du festival du 7 au 9 décembre) dans la Ménagerie ayant retrouvé son identité de parking, au volant d’une voiture. Il faut le dire, César Vayssié semble adorer les bagnoles, comme élément civilisationnel bien sûr ! Il faut le dire, César Vayssié est avant tout réalisateur de films et la voiture est tout de même une star de cinéma. Il faut le dire aussi, César Vayssié ne se voit pas comme chorégraphe, et là, honnêtement, il se trompe.

Reprenons. Nous sommes à la montagne, il y a un grand sapin renversé, pendu par le tronc et des mini-forêts de conifères. Il y a une piste verte qui coupe l’espace, jonchée d’une botte de ski. Il est totalement interdit de marcher dessus, il faut sauter par-dessus, comme un petit ruisseau. Ils sont quatre : Agathe Thevenot, Anna Severina Perrin, Gaël Sall et Orly. Un écran nous balance de vielles pubs iconiques pour… les voitures, puis les ordinateurs, mais aussi des images de Foucault, Levis-Strauss, Trisha Brown…

Ce qui intéresse le metteur en scène ici, c’est de faire sens avec une collection d’images. Il regarde les hommes agir à la façon du célèbre anthropologue. Il pose là un chasseur-cueilleur (ayant pour cible un flamand rose), une danseuse, un parisien qui repousse le réveil.
Il convoque la pop-culture comme socle commun. Les Stones sont autant un marqueur civilisationnel que le fait de manger cru puis cuit. Il convoque des confrontations pour donner l’exemple, pour faire apprentissage. Comment naît une danse ? Au bord du ruisseau justement et bien après, quand l’ère contemporaine a rendu les relations moins animales, juste barbares et corrompues, sur un plateau de danse.
La part cinématographique vient appuyer sur des éléments, sur des exemples, comme cette forêt en pleine tempête de neige. En fait, il s’agit de sapins de la taille de playmobils et la fumée sort de la vapoteuse de Gaël Sall. Il ne faut pas croire ce qu’on voit ! Vayssié montre les coulisses primitives de l’humanité, le désir sans barrière et les appels aux tutelles.
Puis presque à la fin, Trisha Brown danse. On est en 1978 et elle semble saisie par les fondations, emprunte aux improvisations primitives et les mixe avec la modern danse déjà bien établie.
Il y a de la fusion ici, entre l’age de pierre et les enceintes de téléphone. Entre nature et culture, Vayssié s’amuse à déposer de belles images comme des totems. Et que reste-t-il ? Le mouvement, le geste, comme un arc de guerrier où bien comme la fuite d’un singe dans un arbre. Pas forcement un sapin d’ailleurs. Le béton a remplacé la forêt.

Exemple opère sur nous par belles touches. C’est un spectacle fin, intelligent, qui nous remplace dans nos contradictions sans apposer de dogme. Un logo, un air, tout ici vient nous prouver que ce qui nous lie se niche dans le détail, dans un petit point d’exemple.

Visuel : César Vayssié, Exemple © César Vayssié