Théâtre
“Vie et Mort d’un Chien traduit du danois par Niels Nielsen” :  Une pièce chorale entre spectacle et thérapie familiale, à La Tempête

“Vie et Mort d’un Chien traduit du danois par Niels Nielsen” : Une pièce chorale entre spectacle et thérapie familiale, à La Tempête

23 September 2019 | PAR Geraldine Elbaz

Une troupe talentueuse et originale nous embarque au sein d’une famille danoise marquée par la disparition du fils aîné et taraudée de questionnements existentiels. Jean BECHETOILLE s’invente une autobiographie danoise pour explorer le deuil familial, son traumatisme et son énigme.

Danemark. Elseneur. Shakespeare et ses fantômes ne sont pas loin. La famille Nielsen, Henrik, Hanne et leurs trois enfants : Vincent, Markus et Benedikte. Sans oublier le chien, Sirius bientôt remplacé par André, un bâtard. Tout bascule quand Vincent meurt, mystérieusement écrasé sur l’autoroute. Markus n’a de cesse alors que de mener l’enquête pour tenter d’élucider la mort de son frère. Dans la continuité de son premier spectacle Comment Igor a disparu ? (primé en 2017) Jean Bechetoille puise dans sa propre histoire pour parler de l’absence de l’autre. 

Comment gère-t-on la mort d’un proche ? Dès le début de la pièce, la tragédie est annoncée : Vincent meurt, écrasé sur l’autoroute. Markus cherche à comprendre la mort de son frère, qui s’apparente fortement à un suicide… Benedikte, sa sœur, se marie peu après.

On vit avec Markus le trouble de la temporalité, comme symptôme de l’événement traumatique. La mémoire se fige, comme dans Hamlet : “Les viandes cuites aux funérailles ont garni froides les tables de la noce”. La scénographie est minimaliste et polymorphe : le décor évolue avec l’histoire, qui ne suit pas d’ordre chronologique car on voyage avec Marcus au gré de ses souvenirs, de ses souffrances et de ses questionnements, face à la perte brutale et incompréhensible de son grand frère. Les dates, lieux et événements marquants sont peints en blanc à même le sol.

Certaines phrases anodines répétées en boucles signent le trauma. Dans cette quête de sens, Markus participe à un groupe de développement personnel, quelque part en France, animé par un gourou interprété par le désopilant Romain Francisco.  Jean Bechetoille réussit, armé de sa pudeur, à nous faire rire alors que le sujet ne s’y prête pas. L’auteur nous confiait que cette partie a été inspirée d’un exercice d’improvisation avec sa troupe sur le thème Secte et Chien, d’où est née l’idée du psychodrame autour de la constellation familiale.

Les comédiens sont pétillants, pleins d’énergie et insufflent un rythme unique sur le plateau. William Lebghil, découvert par la série SODA, confirme définitivement son talent.  Alors qu’il créait son premier spectacle, avant  la mort de son frère, Jean Bechetoille écrivait ses souvenirs dans des carnets. Après avoir suivi une thérapie pour apprendre à gérer l’absence, il relit Hamlet et ce qu’il retient de la pièce de Shakespeare, c’est le traumatisme. Pour lui, la notion de troupe est fondamentale. Il cherche à créer un lien tangible avec les comédiens ; il explique :  “on joue avec l’invisible”. Tous les soirs, un rituel est recréé autour de la mort, sans pathos. Et émerge la catharsis par le rire pour accepter l’insupportable :  “Amusons-nous avec la mort”  nous dit Jean Bechetoille. Le  titre de la pièce finit de dire la distance avec le trauma. Niels Nielson patronyme des plus répandus au Danemark indique le banal comme Ivan Ivanovitch dans le Ivanov de Tchekhov .

Le message de la pièce s’appuie sur les nouvelles découvertes de l’épigénétique :  la transmission des traumatismes  opérant sur plusieurs générations. Nos gènes sont conditionnés, comme le raconte le monologue du père sur son chien. On naviguera deux petites heures entre réalisme, comique, tragique et fantastique, au gré des événements familiaux qui nous bousculent et nous renvoient à nos propres questions sur la vie et la mort. 

VIE ET MORT D’UN CHIEN TRADUIT DU DANOIS PAR NIELS NIELSEN

Texte et mise en scène de Jean BECHETOILLE.

Avec Alice Allwright, Guarani Feitosa, Romain Francisco, William Lebghil, Laurent Lévy, Nadine Marcovici scénographie Caroline Frachet  lumières Vera Martins costumes Gaïssiry Sall vidéo Dimitri Klockenbring et Antoine Rosenfeld collaboration artistique Guillaume Gras ; production / diffusion Marie Pluchart – triptyque production 

Théâtre LA TEMPÊTE

Salle COPI

Du 20 septembre au 20 octobre 2019

Crédits ©Photo Guillaume Bosson

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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