Un couple bercé d’illusions peut-il affronter la vérité sans exploser ?
« J’admire l’aisance avec laquelle tu prends des décisions catastrophiques » est un saut dans l’inconnu, une comédie de mœurs qui questionne les fondements même du couple, sur un ton à la fois grave et absurde. Drôle et piquante, cette pièce pourrait bien vous amener à réfléchir sur ce qui compte réellement pour vous….
Sur scène, Oriane et François Durvil sont en grande discussion…. La décision de François de passer de la robe d’avocat à la tenue d’agent de propreté urbaine remet en cause l’équilibre précaire de leur couple soi-disant parfait. Choix de vie, crise de la cinquantaine ou pétage de plomb en bonne et due forme, difficile de se prononcer. Toujours est-il que cette décision, somme toute assez surprenante, va faire éclater tous les non-dits et vieilles rancœurs qui pourrissaient leur relation.
Une nuit durant, pour la première fois depuis longtemps, François et Oriane vont enfin avoir une véritable discussion. Le plateau nu, sans artifice, leur laisse le champ libre pour se livrer bataille. À la barre, maître François Durvil pour la défense, et Oriane Durvil pour l’accusation. Ce soir, ils tombent les masques et dressent un bilan sans concession de leur vie professionnelle et personnelle. Au fil de la soirée, l’épuisement gagnant du terrain, les coups portés seront de plus en plus durs à encaisser… Parviendront-ils à trouver un compromis ? Décideront-ils de continuer leur route ensemble ou préféreront-ils séparer ? Rien n’est moins sûr…
Le choix de François est en effet peut-être un peu trop radical. D’avocat d’affaires émérite au sein du cabinet Fischer & Fischer, il a décidé, après un an d’errance suite à la perte de son travail, de devenir agent de propreté urbaine à Aubervilliers, au grand dam de sa femme, universitaire et écrivaine. Le changement est brutal pour celle qui enseigne depuis vingt ans à l’université et pour qui la routine a quelque chose de rassurant.
Cependant, celle-ci risque bien de voler en éclat suite au choix égoïste de François. Si, de prime abord, on pourrait croire qu’Oriane méprise ceux qui exercent le métier ingrat d’éboueur, on devine, petit à petit que le problème est ailleurs. En réalité, sa plus grande angoisse est le bébé qu’elle attend et qui risque de chambouler son quotidien bien établi. Ce saut dans l’inconnu l’effraie au plus haut point. Elle ignore si son mari, une fois devenue éboueur, pourra parvenir aux besoins de sa famille et si elle pourra compter sur lui. Elle ne sait pas non plus si elle l’aimera toujours, elle qui a besoin d’admirer l’intellect d’une personne pour l’aimer… « Plus de dialogue, plus d’admiration, plus de voyage… que va-t-il rester de leur couple ? L’amour, me direz-vous ? Une coquille vide qu’il faut nourrir… » Et que va penser leur entourage de tout ça ? Leur restera-t-il seulement des amis ou seront-ils mis à l’écart ? Tant de questions et si peu de réponses… Quel choix fera Oriane au final ? Fera-t-elle aussi passer ses désirs personnels avant les intérêts de son couple ? Difficile à dire…
Difficile également de trouver sa place dans la société, de s’y épanouir, sans avoir l’impression d’être déclassé ou exclus. Si François semble avoir depuis longtemps dépassé ce genre de considérations, ce n’est pas le cas de sa femme. Il n’a plus que faire du regard des autres. Il a abandonné son costume tiré à quatre épingles pour un marcel, une chemise ouverte, un jean noir taille basse, des baskets et une barbe de trois jours. Elle, soigne toujours ses apparences derrière un style très BCBG…
Si leur joute verbale et visuelle est très plaisante, les interludes musicaux, qui rythment leurs échanges, nous ont laissés assez perplexes. Signes d’une société qui marche sur la tête ou symboles du bouleversement qui s’opèrent dans ce couple, il n’est guère aisé d’en comprendre le sens. Le texte se suffit à lui-même, sans avoir besoin de ces pauses. Vous pourrez d’ailleurs vous le procurer à la fin de la pièce si vous avez conquis par ce couple, qui n’aspire qu’à son épanouissement personnel et au bonheur conjugal !
J’admire l’aisance avec laquelle tu prends des décisions catastrophiques, un spectacle Théâtre Java et Antisthène Productions, écrit par Jean-Pierre Brouillaud et mis en scène par Éric Verdin, présenté du 29 novembre 2018 au 10 mars 2019, du jeudi au dimanche, au Studio Hébertot, à Paris. Durée : 1h15.
Visuels : Mathie Charlotte