Théâtre
“Schubladen”, le spectacle à tiroirs des allemandes She She Pop

“Schubladen”, le spectacle à tiroirs des allemandes She She Pop

17 October 2014 | PAR Christophe Candoni

Les actrices du collectif berlinois She She Pop passent au crible leurs souvenirs de jeunesse dans une Allemagne coupée en deux avant la chute du mur et démantèlent les clichés véhiculés par l’histoire. Elles réalisent avec Schubladen une performance originale, polyphonique, aussi drôle qu’émouvante, qui combine enquête documentaire et forte subjectivité.

[rating=4]

Sur scène, elles sont six femmes à l’aube d’une quarantaine avantageuse. Elles sont nées et ont grandi chacune de l’un ou de l’autre côté du mur. En suivant des règles du jeu bien définies, la fine équipe exclusivement féminine se partage en trois binômes assis à table. Une vient de l’Est, l’autre de l’Ouest, et à tour de rôle, elles s’interrogent, se confrontent, s’obligent à s’expliquer, se racontent en prenant appui sur des objets du quotidien. Des livres, des photographies, des lettres, des cartes postales, des pages d’anciens journaux intimes, des disques en pagaille sont autant de tiroirs appartenant à une mémoire bien vivace, une matière riche et désordonnée propre à nourrir le grand déballage auquel elles se livrent sans complexe à la manière d’une séance de thérapie de groupe.

Entre souvenirs émus, éclats de rire et prises de bec, elles pointent leurs nombreuses différences socioculturelles. La famille, l’éducation, l’émancipation, le protectionnisme politique, l’aspiration libertaire, la vie sentimentale, la sexualité… Tout est sujet à débat. Elles ne s’entendent à peu près sur rien, alors qu’ont-elles à partager ? Un moment de complicité évidente malgré l’incompréhension mutuelle. C’est ce qui est beau et qui fait tout l’intérêt du théâtre biographique, personnel, intime, non consensuel des She She Pop.

Cette performance germano-germanique bourrée de références captive et emballe le public français. Les brillantes et exubérantes actrices, leur humour, leur énergie, leur spontanéité y sont forcément pour beaucoup. Et quand le geste joint la parole et que leur mémoire prend corps au cours de délirantes voltes chorégraphiques sur chaises roulantes de bureau inspirées des prestations olympiques de la patineuse artistique Kati Witt, c’est encore plus irrésistible. Grâce à ces filles et leurs multiples témoignages, l’histoire européenne et le débat d’idées s’en trouvent gagnants.

Infos pratiques

La Cigale
Tant qu’il y aura des bretons
Avatar photo
Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration