Théâtre
Pavillon noir du collectif O’so au TnBA

Pavillon noir du collectif O’so au TnBA

25 January 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

Le collectif O’So livre dans une pièce drôle et rafraîchissante la digestion de longues lectures et études autour du piratage informatique et des phénomènes de transgressions sur le net. 

On nomme Pavillon Noir le drapeau hissé sur les vaisseaux pirates du XVIIe et XVIIIe siècle, généralement orné d’un crâne et de tibias croisés, pour effrayer leurs ennemis. Voleurs et égorgeurs terrifiants, ces bateaux pirates constituaient aussi un mode d’organisation égalitaire. Sur ce biais le collectif s’empare aussi de l’histoire de Joshua Goldberg un jeune Américain de 20 ans arrêté par le FBI pour ses activités de trolling où Goldberg était parvenu à se faire passer pour un sympathisant de l’Etat islamique. Dans le même mouvement, ils vont s’intéresser au darknet où se déploie un commerce mondialisé de drogues et d’armes. Après le trolling, art de jeter de l’huile sur le feu sur Internet c’est l’art d’utiliser le net de façon libre qui séduit le collectif. Même si cette façon est libre surtout de taxes!

Le propos se cherche, il est à la lisière de la subversion empruntée, de la fausse insurrection ou de l’immobilisme actif des groupuscules zadistes. Nous sommes dans une posture plus que dans un discours. Parfois même la pièce dérape lorsque elle piedestalise des Robin des Bois multimillionnaires ou lorsque rend Bachar responsable de la destruction de Palmyre. Mais peu nous en chaut tant le travail de l’équipe est profond et précieux. L’esprit est à la conquête d’une authentique liberté. Le geste est vertueux et le coeur mis dans cette pièce nous saisit et nous emmène dès la première scène. Celle-ci est remarquable : une femme nous harangue à la manière du 20e siècle sur les dangers du Big Data quand un troll vient la perturber. La pièce débute ainsi sur une injonction à changer de logiciel, ou de lunettes, avec un léger mépris pour le vieux monde.

Insaisissable telle une anguille, la pièce file au Kazakstan, en  Syrie, ou à Rennes, à un rythme soutenu durant 2h15. Au Kazakstan une Robinhackeuse des bois doit être exfiltrée d’urgence. 7 samouraïs du net coopèrent comme une équipe de Xfiles. C’est drôle, enlevé, mais on a un peu perdu la subversion dans ce respect des codes du genre. C’est Scoobidoo sans le chien. Il n’empêche que l’on comprend vaguement les techniques et que cela donnerait bien envie de participer à cette escape game inversé (mais toujours une histoire de clefs).

Et quand l’enjeu n’est rien moins que la reconstruction du monde en déliquescence (ou simplement de faire sauter l’ancien pour commencer), il y a de quoi susciter des vocations de Hackers au grand cœur, pillant les données scientifiques mercantilisés pour les offrir au monde, ou sauvant une Palmyre virtuelle du pillage, de la destruction et de l’oubli. Ou de concevoir des tutos youtube hilarants.

Une pièce rafraîchissante, un peu plombée à la toute fin par un plaidoyer donneur de leçon qui ramène à la première scène… mais une pièce à voir absolument,

Auteurs : Adrien Cornaggia, Riad Gahmi, Kevin Keiss, Julie Ménard, Pauline Peyrade, Pauline Ribat, Yann Verburgh

Interprètes : Jérémy Barbier d’Hiver, Moustafa Benaïbout, Roxane Brumachon, Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Marion Lambert, Tom Linton

Coordination artistique : Cyrielle Bloy et Baptiste Girard Scénographie : Ingrid Pettigrew
Costumes : Aude Désigaux
Maquillage : Carole Anquetil

Création lumière : Jérémie Papin Régie générale : Emmanuel Bassibé Musique : Martin Hennart

Infos pratiques

Compagnie Les Marches de l’été
Le Vent des signes
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