Théâtre
Patrice Chéreau par Pascal Greggory : l’animal visionnaire et l’amant magnifique

Patrice Chéreau par Pascal Greggory : l’animal visionnaire et l’amant magnifique

18 October 2019 | PAR Anne Verdaguer

Au Théâtre de la ville, le comédien Pascal Greggory donne corps à la voix de son mentor Patrice Chéreau dans Ceux qui m’aiment. À travers une sélection de textes issus de leur correspondance et d’autres écrits du metteur en scène, le comédien fait entendre un Patrice Chéreau plus secret, plus intime, avec ses doutes et ses convictions, un homme engagé, enragé même, et jamais rassasié.

Comment apprivoiser la perte ? C’est sans doute la question qui revient le plus quand on observe Pascal Greggory évoquer Patrice Chéreau. C’était en juillet dernier dans le cadre du festival d’Avignon, après la diffusion du documentaire Une autre solitudequi montrait le metteur en scène disparu en 2013, lors de répétitions. Après la diffusion, Pascal Greggory semblait bouleversé d’avoir revu à l’image son compagnon à la vie et à la scène. Incroyable collaboration que fut la leur… marquée en particulier par la mise en scène en 1995 de la pièce de Bernard-Marie Koltès Dans la solitude des champs de coton, où Patrice Chéreau jouait le dealer et Pascal Greggory le client. Une interprétation qui marqua pour toujours ceux qui ont pu y assister.

De cette collaboration, il en est bien sûr question dans Ceux qui m’aiment, mais c’est bien plus que cela que donne à voir et à entendre Pascal Greggory. Seul sur scène, il semble comme habité, arrivant dans la pénombre sur un plateau affublé d’une grande table et d’un fauteuil, regardant au loin, tournant et retournant les feuilles, les jetant à terre, comme le manteau qui ressemble au costume qu’il portait dans la pièce de Koltès et qui fait un bruit de verre brisé en atteignant le sol, moment mémorable de cette mise en scène. À un autre moment, il est filmé disposant sur la table des cartes postales que Patrice Chéreau lui a adressées, représentant des personnages, des ambiances, comme autant de pièces d’un puzzle visuel en préparation de son film La Reine Margot. Dans une danse avec l’absent, il dévoile par touches l’essence de la pensée du metteur en scène, tel un funambule au milieu des souvenirs de celui qui le révéla en tant qu’acteur.

Et c’est le portrait d’un travailleur acharné, vorace, instinctif, d’un génie du plateau, à la recherche sans cesse inassouvie qui se dessine. Patrice Chéreau cherchait inexorablement le sens et la vérité dans tout ce qu’il entreprenait, remettant toujours en question son travail, doutant de la raison d’être du théâtre et du rôle même du metteur en scène. Lui qui aurait aimé être musicien ou chef d’orchestre rêvait d’un théâtre différent, d’un langage qui n’appartiendrait qu’à lui. L’insoumis, défendait la soumission au texte, aux mots et à la langue des auteurs, pour mieux y forcer son monde. Du théâtre au cinéma en passant par l’opéra, il imposera dans chacune de ses mises en scène un geste fort, nécessaire et vital. Patrice Chéreau disait : “Je ne sais pas, moi, vivre ou fabriquer un objet, un spectacle, un film, autrement qu’à la première personne. Je suis absolument partout, dans tous les personnages”. Gageons qu’à son tour, il a laissé son empreinte indélébile sur tous ceux qui ont un jour croisé son chemin.

Ceux qui m’aiment, d’après des textes de Patrice Chéreau, mis en scène par Jean-Pierre Pancrazi, avec Pascal Greggory, présenté à Paris, au Théâtre de la Ville, à l’Espace Pierre Cardin, du 15 au 17 Octobre 2019, à 20h. Durée : 1 h 15.

Photo : © Gilles Vidal

 

 

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