Théâtre
Passionnant TRISTESSES de Anne-Cécile Vandalem à l’Odeon.

Passionnant TRISTESSES de Anne-Cécile Vandalem à l’Odeon.

09 May 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

Après sa création en 2016 à Avignon, et s’inspirant d’un fait supposé réel Anne-Cécile Vandalem montre à l’Odéon sa pièce Tristesses, un thriller sur le chaos aussi enthousiasmant par sa scénographie, par l’engagement des interprètes que par la puissance de son texte. 

[rating=4]

L’économie d’une petite Île danoise nommée Tristesse a été ruinée par la fermeture de ses abattoirs, seule industrie locale. A la suite de cette faillite, deux  exploitants se suicident et l’île est abandonnée par ses habitants. A l’ouverture de la pièce vivent là huit personnes dont le pasteur, le maire qui est membre du Parti du Réveil Populaire, parti populiste d’extrême droite, dont Käre Heiger, père de la future Premier Ministre, Martha Heiger, une jeune femme ambitieuse partie depuis longtemps pour faire carrière sur le continent, et dont la mère de cette même Martha que l’on vient de retrouver pendue enveloppée dans un drapeau danois.

Une pièce passionnante sur le chaos.

On le sait depuis Levi Strauss, les sociétés humaines s’agrègent autour d’une culpabilité commune née d’un meurtre qui est comme un acte de baptême civilisateur; viennent ensuite l’installation de l’autorité et le déploiement de l’économie comme gestion de la rareté et comme liant social. Dans Tristesses, le minable calcul politique d’un ambitieux local et d’un lâche sans grade déclenche la faillite d’une population.  Les faits mettent à mal les fausses croyances reposant sur les habituels coupables désignés, les oligarchies ou la mondialisation. Ici ce sont les petits et leur égoïsme qui détruisent le vivre ensemble. Dans un processus inversé à Levy Strauss, le cadavre d’une mère offert au drapeau national va dissoudre définitivement une société humaine. Lentement ceux qui restent vont retourner au chaos originel. Dans cette histoire à la façon d’un Totem et Tabou freudien renversé, les personnages pathétiques souvent drôles, toujours graves luttent contre la pente funeste. La première scène du joueur de Trivial Pursuit est une parabole délicieuse. Le personnage défend en vain la stricte observance de la règle du jeu  car lorsque déjà plus rien ne tient chaque activité du groupe, même une futile question du jeu de société exige en même temps que construit l’harmonie du collectif. C’est fabuleux d’intelligence socio-politique.

Les comédiens interprètent avec talent le pli entre la réalité et la parabole. Entre autres, Vincent Cahay et Pierre Kislling sont impressionnants dans cet art de duplicité comico-tragique. Epona Guillaume donne à voir magnifiquement cette adolescente, Ellen Petersen qui comprendra avant tout le monde. L’auteur Anne-Cécile Vandalem interprète  Martha Heiger dans une partition glaçante, cependant qu’éclairée. Catherine Mestoussis, Margrete LArsen est bluffante dans un rôle énergique et volontaire.

Une pièce passionnante sur le mariage intelligemment consommée entre le théâtre et la vidéo. 

Le plateau se réduit à 2 maisons et une église. L’espace public extérieur sera bientôt les coordonnées du cercueil au départ pour le continent, car l’extérieur est déjà le hors champ. Le dispositif scénique unique construit un hors-champ sur scène, tandis que dans chaque pièce un cameraman escamoté dans le décor filme les scènes en intérieur, projetées sur écran géant. C’est passionnant. La bande-son est jouée par des musiciens sur le plateau. Tout est ainsi géré en direct, au fur à mesure de l’intrigue. La dimension thriller est magnifiquement accompagnée par ce dispositif innovant. Rarement l’utilisation de la vidéo n’a su impliquer la public; nous sommes bien au théâtre, et le meilleur qu’il nous ai donné de vivre.

Le spectacle est à ne pas rater en attendant de retrouver Anne-Cécile Vandalem au Festival d’Avignon cet été pour la pièce futuriste Arctique, sur le réchauffement climatique.

Tristesses // Anne-Cécile Vandalem // Odéon-Théâtre de l’Europe from Theatre Odeon on Vimeo.

 

Tristesses

Auteur : Anne-Cécile Vandalem

Metteur en scène : Anne-Cécile Vandalem

Distribution : Vincent Cahay, Anne-Pascale Clairembourg, Epona Guillaume, Séléné
Guillaume en alternance avec Asia Amans, Pierre Kissling, Vincent
Lécuyer, Catherine Mestoussis en alternance avec Zoé Kovacs, Jean-
Benoit Ugeux, Anne-Cécile Vandalem en alternance avec Florence Janas,
Françoise Vanhecke, Alexandre Von Sivers.

Du 03/05/2018
Au 27/05/2018

Tarifs :
6€ à 40€

Réservations par téléphone :
01 44 85 40 40

Durée : 2h10

 

Crédit Photos  © Christophe Engels

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