“Non ce n’est pas ça”, la truculente Mouette du Collectif Le Grand Cerf Bleu
[ Au 104 jusqu’au 14 octobre 2017 ]
Pour trois petits soirs seulement, jusqu’au 20 octobre, Le Collectif Le Grand Cerf Bleu installe son bar au bord de la plage. Au loin, on entendrait presque un vieux tube de Joe Dassin, et de près Anton Pavlovitch Tchekhov. Un éclat de rire qui se fait talentueux.
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“A la base on devait être 13” nous annonce Jean-Baptiste Tur (petit frère quasi jumeau dans le fond et dans la forme de Vincent Macaigne). Il nous fait pouffer comme des enfants par son cynisme mordant. Il ment ou pas ? On ne sait pas. Visiblement, il y a eu un suicide, celui du metteur en scène Constant Barati et toute la question est de savoir si oui on non il faut jouer.
Ils sont trois, Jean-Baptiste Tur, Gabriel Tur et Laureline Le Bris-Cep. Sur scène on trouve une tente de réception, sous laquelle se nichent des instruments de musique et un bar. Devant la tente, une table de camping est là prête à accueillir les confidences.
Jouer la Mouette à trois est-ce possible ? Pas vraiment. Alors le trio va mêler ses expériences de vie avec des extraits choisis de la célèbre pièce.
Evidemment, mais cela est fait ici avec un talent d’acteurs hors pairs, les deux trajectoires se mêlent. Comme Nina, Laureline se voit comme une comédienne ratée et comme elle, elle quittera un homme pour un autre. En Trigorine version pianiste, Gabriel Tur est formidable. A la fois aux machines et au clavier, il offre au spectacle une bande-son live dans la veine Perez ou Lescop. Le collectif joue à merveille avec les codes du contemporain. Ils hurlent au micro, balancent des chansons populaires, ici, “L’envie” de Johnny Hallyday pour couper dans le vif de l’émotion. Avec quelques ballons, et une jolie lumière, l’ambiance change et Laureline devient Nina, mais une Nina en 2016, aidée par, en guest star, Coco Felgeirolles qui dira avoir campé le rôle en 1984.
La Mouette est l’histoire d’un échec et le collectif transmet exactement la beauté de l’erreur. Un poème sur les ruines que déclame Gabriel à Laureline, nous dit que les ruines sont un accident esthétique. “Non ce n’est pas ça” est un accident émotionnel. On commence par penser être là juste pour s’amuser et on se retrouve saisis comme des débutants face à une mise en scène faussement simple et un jeu d’acteur hyper maîtrisé. Ne fait pas rire avec intelligence qui veut.
Visuel : Théâtre de Vanves