Théâtre
La Machine de Turing de et avec Benoit Solès , une vertueuse réhabilitation par le théâtre.

La Machine de Turing de et avec Benoit Solès , une vertueuse réhabilitation par le théâtre.

21 October 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

La pièce fit le  buzz au dernier Off d’Avignon : La machine de Turing de et avec Benoit Solès reprend au Théâtre Michel. Celui-ci nous y communique sa passion pour le génial mathématicien britannique inventeur de l’ordinateur.

Turing fut certainement un des pères de l’informatique. Il fut celui qui lors de la Première Guerre mondiale perça grâce à sa célèbre machine, la machine de Turing, les codes de l’ennemi allemand. Ce décodage ne fut utilisé qu’avec prudence par l’armée anglaise qui préféra accepter des morts évitables dans ses rangs plutôt que d’éveiller les soupçons de l’ennemi. Le destin de Turing est au diapason, aigre-doux, aussi admirable que tragique.   

La pièce est un manifeste politique.

Dans un décor sans âme Alan Turing, professeur d’université et chercheur en mathématiques, dépose plainte pour cambriolage. La police établit que l’effraction est liée à la relation homosexuelle qu’il entretient avec une petite frappe garçon de café. Or en 1952, l’homosexualité est un délit au Royaume-Uni. Turing sera condamné à la castration chimique. Il se suicidera deux ans plus tard, il avait 41 ans.

C’est le même Turing, surdoué, autiste Asperger qui connut la vie d’un brillant scientifique. Après des travaux sur l’intelligence artificielle, il est recruté par les services secrets britanniques afin de percer les messages codés de la machine allemande Enigma. Il y parvint, contribua à la victoire des Alliés. Pourtant, l’histoire ne retiendra rien de lui.

Il y a comme un acte politique aujourd’hui à aller assister à cette pièce réhabilitation. Turing héros de guerre n’a jamais connu la gloire car sa mission fut  classée secret-défense. Aussi, La pièce rappelle  que l’homosexualité fut, en Europe au siècle dernier un délit. Elle renvoie aussi aux résistances actuelles et aux agressions homophobes. Elle est un salutaire acte politique alors que l’homosexualité reste dans des parties du monde un délit ou un crime au mieux une pathologie, alors qu’en plein Paris un chauffeur Uber vient de molester un couple homosexuel, 

La pièce est aussi un immense moment de théâtre grâce à l’excellence du jeu de Solés.

Sur scène un écran géant accompagne le récit par des archives ou des équations. La mise en scène de Tristan Petitgirard est précise et froide car elle se veut un cocon qui fait la part belle au comédien Benoit Soles qui crée là un personnage lumineux et dionysiaque d’humanité. Il résiste à toute critique. Il est prodigieux en ce personnage complexe, génie bègue et foncièrement optimiste. Radicalement attachant. Face à lui, Amaury de Crayencour qui incarne tout les autres personnages soutient remarquablement la proposition.
Pour la générosité de son propos et de son acting la pièce est un devoir et un plaisir.


La Machine de Turing
de Benoit Solès , mis en scène par Tristan Petitgirard
Théâtre Michel, Paris
Crédit Photos : Fabienne Rappeneau

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