
“L’espèce humaine” tisse des liens entre Marguerite Duras, Dionys Mascolo et Vassili Grossman
Le Théâtre des quartiers d’Ivry accueille jusqu’au 5 février L’Espèce humaine, de Mathieu Coblentz. Un travail sur les camps de concentration autour de textes de Duras, Dionys Mascolo et Vassili Grossman.
L’espèce humaine, c’est le titre de ce livre dans lequel Antelme raconte son expérience de la déportation et son retour à la vie commune. Si c’est bien son histoire qui sera au coeur du travail de Mathieu Coblentz, le matériau textuel ne sera toutefois pas le témoignage du déporté, mais ceux, croisés, de Marguerite Duras et de Dionys Mascolo. Le tissage entre ces deux récits que sont La Douleur de l’une et Autour d’un effort de mémoire de l’autre fonctionne, leur savant entrelacement permettant au public de suivre l’arrestation de Robert Antelme et son retour à Paris.
La question se pose alors de la restitution de ce qu’a vécu Antelme entre ces deux moments : sa survie au camp. Il s’agit d’un point aveugle des récits de Duras et Mascolo, absent.es de cette expérience. Pour pallier cette ignorance, Mathieu Coblentz a fait le choix d’ajouter à cet entrelacs un troisième témoignage, L’Enfer de Treblinka de Vassili Grossman. Ainsi, la composition du texte fonctionne moins : Treblinka était un camp d’extermination et non un camp de concentration. Pour horribles qu’aient été ces deux expériences, elles sont ainsi fort différentes.
Il n’en reste pas moins que les extraits ont tous été choisis avec soin et font entendre avec justesse ces témoignages. Les spectateurs et spectatrices suivent avec attention ces récits d’une très belle écriture, dotés d’une grande force d’évocation. Mathieu Alexandre, notamment, représente sur scène Vassili Grossman avec beaucoup de force, face public, dos à un mur de briques.
La sobriété scenographique de ces passages s’oppose aux décors des espaces consacrés aux récits de Duras et de Mascolo. Sont reconstitués dans les lieux qui leur sont attribués des intérieurs des années 1940 un peu trop conventionnels, qui s’inscrivent dans un imaginaire cinématographique commun. En outre, cet ancrage dans des lieux précis a une incidence sur la direction d’acteurs : alors que Mathieu Alexandre représente Grossman plus qu’il ne l’incarne, Florent Chapellière, et surtout Camille Voitellier, jouent le texte, qui disparaît ainsi derrière leur interprétation.
Photo © Juliette Parisot