
Les Liaisons dangereuses au Musée Grévin
Dans un décor gris de funérarium, Christine Letailleur signe une mise en scène sans audace ni éclat des Liaisons dangereuses. Dans la poudre et le fard, la dentelle et l’étoffe, elle corsète et étouffe la subversion des amants de Laclos de sorte qu’en dépit de l’impeccable Dominique Blanc en Marquise de Merteuil, ils passent pour des poupées de cire au cœur d’un théâtre hyperclassique qui flatte l’œil plus que l’esprit.
La metteuse en scène et adaptatrice Christine Letailleur a beau afficher l’intention d’une fidélité absolue au roman épistolaire de Laclos, elle le restitue sans enjeux forts, sans idées, sans vie dans un style oscillant entre plate récitation et sur-jeu quasi boulevardier. Moins de maniérisme et d’habillage pictural (le clinquant des costumes et de la musique, le pompiérisme du final…) et plus d’invention laisseraient davantage goûter le souffre et le sel de ce chef-d’oeuvre libertin. A la place, les manières éculées, le geste emprunté, le verbe ampoulé des acteurs paraissent sortir d’un théâtre d’un autre âge. La direction ininspirée et très théâtrale ne les aide sûrement pas et tend à réduire les personnages pourtant complexes à des caricatures. Voyez la pauvre Cécile de Volange que joue Fanny Blondeau bêtifiée sans ménagement comme une gamine geignarde. Voyez Valmont sous les traits de Vincent Perez en scélérat plus joueur que féroce donnant l’impression de sortir d’une pièce de Feydeau. Dans ce magma de fautes de goût dont elle ne peut rien, la comédienne Dominique Blanc tire son épingle du jeu et domine le spectacle de très haut. Toujours subtile et lumineuse, elle a de l’humour, de l’ironie, est pleine d’alacrité et de fermeté. Elle fait une marquise piquante, mordante, d’une intelligence et d’une intégrité remarquables.
Photo © Thierry Depagne