
« Le 20 Novembre » de Lars Noren, un seul en scène rythmé d’une cruelle actualité à La Flèche
Au théâtre de la flèche, Laurent Fresnais met en scène Cédric Welsch dans Le 20 Novembre, une pièce de Lars Noren sur l’exclusion sociale et sur les actes de brutalité qu’elle peut engendrer. Fidèle à l’auteur la pièce propose un théâtre dur et sans concession, social et émancipateur.
Avec Antoine Laëthier
Le 20 novembre 2006, en Allemagne, un jeune homme âgé de 18 ans ouvre le feu sur les élèves et les professeurs de son ancienne école. Une personnalité allemande, choquée, refuse de se contenter de l’incompréhension et du scandale, et veut faire appel à un auteur pour qu’il s’empare de la question : qui mieux que Lars Noren conviendrait à cette tâche ? Celui-ci récupère le journal intime et plusieurs vidéos laissées derrière lui par l’auteur du massacre, matériel à partir duquel il construit ce monologue. Fidèle à un souci de réalisme et d’objectivité quasi-clinique, l’auteur s’efface derrière le meurtrier dont le texte finit par se porter la voix. Et il propose à la scène une étrange et inquiétante tribune.
C’est sous le signe de la subtilité et de la sensibilité que la mise en scène de Laurent Fresnais s’empare de ce texte d’une rare violence.
La pièce, refuse d’aborder son propos sous l’angle de la folie meurtrière; elle en devient plus bouleversante et déstabilisante tandis que le meurtrier expose ses motifs dans une apparente lucidité. Plein de haine pour cette société de consommation, il en dresse la critique pour se constituer comme une victime du système, défenseur de la liberté individuelle. Par sa sincérité, le personnage brave et inquiète notre jugement.
Insidieusement, sa diatribe pénètre dans la tête, le cœur, et les tripes, renversant les notions de bien et de mal, bouleversant les certitudes, et forçant l’introspection, indique Laurent Fresnais. La diatribe devient plus troublante; la mise en scène faisant apparaître une souffrance profonde. Une souffrance ni étalée, ni furieuse qui cherche à se construire en discours : – Si je ne parviens pas à donner du sens à la vie, alors j’en trouverai à la mort. En donnant corps à la sensibilité du personnage et à sa quête de sens, Cédric Welsch nous permet d’accéder à son humanité.
Le texte se déploie pour devenir dérangeant. Il n’est suffisant de rejeter l’horreur ou de la juger mais urgent de la comprendre. Il aura fallu beaucoup de courage ( et d’abnégation ! ) pour soutenir ce seul en scène, tant le personnage contient haine et violence insidieuse. Mais Laurent Fresnais et Cédric Welsch on sû faire vivre ce personnage pour qu’il colle à la peau de l’acteur. Cédric Welsch, parfaitement dirigé, riche de son physique de dur masque une certaine douceur; il est parfait dans ce rôle, osant se laisser envahir par l’affreuse logique pour nous faire entendre un puissant cri de détresse.
Le 20 Novembre
Auteur : Lars Norén
Artiste : Cédric Welsch
Metteur en scène : Laurent Fresnais
Tous les vendredis jusqu’au 29 novembre
Durée : 1H10.
La Flèche
77 rue de Charonne, 75011 Paris
crédit photo © Marie Charbonnier