Théâtre
Jan Fabre ne parle pas de maladie et ne fait pas pleurer

Jan Fabre ne parle pas de maladie et ne fait pas pleurer

16 March 2016 | PAR Araso

Cet homme n’est pas malade. Cet homme n’est pas un survivant. Ce spectacle n’est pas triste. “Drugs kept me alive” est un one-man show dynamité qui met en scène le chorégraphe Antony Rizzi avec lequel Jan Fabre a signé de nombreuses collaborations. Deuxième opus du triptyque consacré au maître flamand par le Théâtre de la Bastille en Mars, ce volet fait rire, émeut et traite avec sensibilité et intelligence du combat d’un homme contre la maladie. 

[rating=4]

“Drugs kept me alive” est un monologue écrit en 2012 par Jan Fabre pour le performeur Antony Rizzi qui combine les singularités de danser divinement, d’avoir de l’énergie pour vingt et de lutter contre le virus du sida. Au-delà de ça, il possède un humour décapant et dégage une soif de vie prompte à dissuader la mort de s’approcher pendant encore très longtemps, et de très loin.

Antony Rizzi est cerné, non pas par la mort mais par les médicaments. Des flacons remplis de comprimés encerclent le plateau comme une impressionnante haie d’honneur. Piégé par la maladie, sans Dieu ni maître à part le virus, il en fait son carburant, un moteur de vie, un accélérateur des sensations fortes que lui procurent les drogues et le sexe.

De cette prison pharmacologique, Antony Rizzi fait une bulle protectrice, joue au chimiste fou et fait du savon son meilleur allié. Le texte résonne comme une incantation, une prière païenne à sa propre conscience: “I am a dancing pharmacy” (“Je suis une pharmacie dansante”). Armé de gants médicaux comme pour se protéger de son propre corps, il a depuis longtemps entamé la danse de la solitude. Perchée sur une étagère, menaçante, une machine vomit des torrents de mousse instoppables, jolie allégorie du virus qui érode les forces du malade.

Bien entendu, comme dans chaque spectacle de Jan Fabre, on n’est jamais totalement à l’aise, il y a toujours quelque chose d’un peu oppressant en toile de fond. Ce je-ne-sais-quoi de glauque se traduit cette fois dans l’uniforme carcéral coiffé d’un couvre-chef de latex blanc ridicule qui habille le narrateur, tranparaît dans le fond sonore, une vibration grotesque entrecoupée de carillons qui font entrer instantanément le personnage dans la peau d’un autre. Et comme toujours chez Jan Fabre, on marche en permanence sur un fil ténu entre le froid (polaire) et le chaud, entre le rire (nerveux) et l’angoisse, entre le dégoût des fluides (l’urine, les excréments, le sperme et le sang) et le sublime.

Visuels © DR

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