Théâtre
Iphigénie : Goethe plus contemporain que Jean-Pierre Vincent

Iphigénie : Goethe plus contemporain que Jean-Pierre Vincent

25 November 2016 | PAR Christophe Candoni

Même dans la mise en scène certes lisible mais bien convenue qu’en signe Jean-Pierre Vincent aux Abbesses, la passionnante Iphigénie de Goethe parvient à faire entendre avec clarté l’incroyable contemporanéité de son discours humaniste et engagé.

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La chaleur d’un soleil de plomb comme l’ombre d’un épais platane caresse les bancs de pierre blanche, à la fois ruines et réminiscences des origines du théâtre et de l’agora grecque au centre desquelles trône un autel sacré. C’est le décor élégant mais tellement désuet qu’offre Jean-Paul Chambas à cette Iphigénie germanique qui retrouve ainsi ses couleurs méditerranéennes.

Dans la réécriture du mythe antique par Goethe, la fille d’Agamemnon vouée à l’immolation pour permettre le départ de la flotte grecque à la guerre de Troie se voit sauvée du sacrifice par la déesse Diane. En longue tunique blanche, Iphigénie se présente à la fois prêtresse et réfugiée en Tauride. Dans l’attente de retrouver les siens, elle mène une vie solitaire sur les rivages inhospitaliers du roi Thoas (Alain Rimoux orné de breloques argentées) qui la veut pour épouse. Face à son refus, l’homme bourru rétablit et durcit ses lois inflexibles et arbitraires contre les étrangers qu’il condamne à une mort sanglante. C’est le sort qui attend Oreste et Pylade enfin venus sauver l’exilée et lui apprendre les malheurs tombés sur sa famille. Corps boueux, vêtu de guenilles sales tel un Robinson échoué, Vincent Dissez apparaît geignard et tremblotant même rudement sermonné par Pierre-François Garel qui fait un valet de comédie classique hors-sujet.

Embourbés dans des styles de jeu contradictoires et archithéâtraux, les acteurs se montrent à la fois vivement lyriques et plus introspectifs, parfois tentés par la dérision au point que leurs outrances et autres préciosités les font tomber dans un comique qu’on espère involontaire. Demeurent cependant des moments de pure vérité dus à Cécile Garcia Fogel qui, dans un état proche du vertige, fait une Iphigénie très pure et humaine tout en lui conférant l’aspect d’une chatte sauvage et apeurée. Fragile et soudainement forte, elle mène un combat pour la reconnaissance de la raison contre le mensonge qui la répugne, pour le respect des femmes qui opposent la réflexion et l’émotion à la barbarie des hommes guerriers, enfin pour la dignité et la liberté des étrangers. Elle incarne la pensée lumineuse et généreuse de Goethe, toujours d’actualité.

Photo © Jean-Louis Fernandez

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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