Théâtre
[Interview] Manex Fuchs : “9” est un spectacle politique dans la mesure où il est question de justice,

[Interview] Manex Fuchs : “9” est un spectacle politique dans la mesure où il est question de justice,

15 February 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Manex Fuchs est le Co metteur en scène, aux côté de Georges Bigot de 9 qui sera donné au Théâtre 13/Seine dès le 22 février à 20h. Une création du théâtre du Petit Pain. Interview. 

-9 est la délibération d’un procès, cela doit tellement être excitant à mettre en Scène ! Comment avez vous pensé La scénographie ?

Être confronté à un procès public, c’est un événement déterminant dans la vie de toute personne, quelque soit la place où elle est amenée à s’exprimer. Mettre en scène les délibérations d’un jury censé trancher une affaire de parricide est évidemment un enjeu majeur. Le point de départ est au carrefour des passions humaines et des questionnements premiers de tout homme ou femme de théâtre investi dans la vie de sa cité : violence meurtrière et justice rendue au nom du peuple, la fraternité au sens de la responsabilité des uns envers les autres, la cellule familiale, la résilience, l’amour des siens. Qui plus est, au théâtre comme au tribunal, la dramaturgie des faits se déroule selon des codes de représentations semblables. Le secret du délibéré garantit la liberté de parole, et chaque révélation est une invitation à la catharsis. Comme pour les jurés, c’est exaltant d’avoir à mener une aventure pareille, la confiance accordée est un honneur et il s’agit d’une expérience citoyenne et humaine dont on peut sortir grandi.

En écho avec les trois parties qui s’expriment en salle d’audience (partie civile, défense et parquet), le public est assis sur trois gradins disposés aux trois côtés de la scène, au plus près des acteurs, afin d’instaurer un rapport direct avec le spectateur. Une huisserie aux allures de guillotine surplombe le quatrième côté. Deux tables et neuf chaises, un porte manteau, un point d’eau et un piano, une guitare… Car dans le spectacle « 9 », les délibérations ont été transférées dans un auditorium, afin de mener une expérience pilote.

Quel sera le rôle du public ?

Si le spectacle est bel et bien vivant, le public en est un des acteurs. Il est un partenaire du comédien. Dans « 9 », nous ne demandons pas aux spectateurs de voter sur la culpabilité ou l’innocence de Karim Bourdon, cela a déjà été fait, et ce n’est pas notre but. En revanche nous leur laissons le soin de deviner le verdict. Car pour eux comme pour les jurés, les certitudes sont trompeuses, et selon les mots d’Ernest Renan, « le doute est un hommage que l’on rend à la vérité ». Le procès oscille entre transparence et secret, même après avoir mis son bulletin dans l’urne, il n’existe de vérité que judiciaire. C’est une question d’intime conviction. Le rôle du public est donc actif, il n’est pas pris à partie mais il est partie prenante du jugement rendu en son nom, il est impliqué de fait.

D’un point de vue actualité, en pleine période électorale, mais aussi au moment où Donald Trump massacre la loi Américaine, le spectacle est-il politique, dans quel sens ?

Au Petit Théâtre de Pain, nous avons cultivé un théâtre impliqué dans la vie de la cité. Dans les théâtres ou dans l’espace public, « la chose publique » nourrit notre travail. « 9 » est un spectacle politique dans la mesure où il est question de justice, aujourd’hui en France. Nous donnons à voir et à entendre les reliefs d’une société qui n’est pas celle de Donald Trump, mais bien celle des Le Pen, Fillon, Macron, Hamon, Mélenchon et autres. Et pourtant nous ne parlons pas d’eux, nous jouons ceux qui votent pour eux, avec leur vécu, leur humanité, et leur sens politique parfois monstrueux.

Parlez moi du petit Théâtre de Pain, où est-il? Quelle est son histoire ?

Le Petit Théâtre de Pain est une troupe permanente constituée de quinze personnes. Elle est basée au Pays Basque, où elle participe à la direction artistique du lieu de fabrique Hameka. Elle a une vingtaine de créations à son actif, un long métrage sur le point de sortir, un rayonnement multinational puisque nous nous produisons de Bilbo à Dunkerque, de Pampelune à Lyon, de Monaco à Sotteville lès Rouen, de Morlaix à Marseille, de Bruxelles à Montpellier, de Manchester à Toulouse.

Le nom du Petit Théâtre de Pain est lié à la mémoire d’une femme du ghetto de Vilno dont le souvenir a été ranimé par Ariane Mnouchkine, dans sa préface de Le théâtre en France (Jacqueline de Jomaron) : « Prenant sur sa ration de pain de chaque jour, elle pétrissait et modelait des petites poupées de mie. Et tous les soirs, cette femme affamée animait ces apparitions nourrissantes, devant des dizaines de spectateurs affamés comme elle, et comme elle, promis au massacre. Si nous oublions le petit théâtre de pain du ghetto de Vilno, nous perdons le théâtre ».

Nous avons lancé nos premiers jalons dans les amphithéâtres de la faculté de Bordeaux. Notre théâtre nait de la nécessité vitale de jouer partout, dans les scènes nationales et sur les places publiques, dans les festivals de rue, les banlieues, la rase campagne. Il n’y a guère que les portes des Centres Dramatiques Nationaux qui nous soient encore fermées, mais nous les déverrouillerons bien tôt ou tard. Partout nous portons un théâtre qui se veut populaire et exigent. Pour nous, la mise en scène, (individuelle ou collective), ainsi que le rapport au public et à l’espace sont en recherche permanente. Et nous sommes animés par un inlassable désir de créer un espace libre.

Parlez moi de vos précédentes mises en scène, quel est le fil conducteur de votre travail.

Le métier d’acteur m’occupe depuis plus de vingt ans, mais dans le circuit professionnel, je n’ai mené que deux mises en scène. La première a eu le prix de la ville de Donostia (San Sebastien), pour un spectacle nommé « Publikoari gorroto » (la haine envers le public). La deuxième est celle du spectacle « 9 », en collaboration avec Georges Bigot et le danseur/chorégraphe Philippe Ducou. Une troisième est en cours, et une quatrième devrait voir le jour à l’automne 2018.

Si je devais déjà parler de fil conducteur dans mon travail de direction, je noterais le caractère épuré de l’espace scénique afin de libérer le jeu d’acteur et l’imagination du public. Je revendiquerais la discrétion de la mise en scène au service du texte. Pour moi, la danse doit être au cœur du processus de création, et le détournement métaphorique des objets me passionne. Le pouvoir de la parole est une thématique récurrente dans mes recherches, et je m’évertue à donner toute sa place au spectateur.

Visuel : Affiche

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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