Théâtre
[Interview]  Florian Pautasso, animal à suivre

[Interview] Florian Pautasso, animal à suivre

18 February 2016 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le mois dernier, Les divins Animaux avaient carte blanche au Silencio. L’occasion pour nous de prendre rendez-vous avec le metteur en scène de ce brillant collectif, Florian Pautasso.

Au Silencio, j’ai vu Le Quatuor Violence, est-ce que c’est quelque chose que vous avez remonté pour l’occasion ? Où se situe ce spectacle dans votre parcours de création ?

J’ai fait plusieurs mises en scène avant Le Quatuor de textes que j’écrivais pour ma compagnie qui existe depuis 2008, Les divins Animaux. Et après le cours Florent, j’ai eu envie de tester quelque chose que je n’avais jamais fait, donc en l’occurrence plutôt de l’écriture de plateau en partant un peu d’une intuition de ce que j’aurais envie de faire ou de traiter et une intuition de distribution surtout, donc j’ai réunis ces quatre comédiens. Les divins Animaux sont nés.

Alors qui étaient ces étudiants ?

Ils étaient à Florent, je les avais plus ou moins vu jouer donc c’était vraiment en grande partie de l’intuition. C’était un geste comme ça sans conséquence, même si on y met beaucoup de cœur, et du coup il y a eu une alchimie qui s’est faite, oui une chose qui s’est passée entre nous dans la rencontre, et ça a donné Quatuor Violence.

Cela veut dire que le groupe des quatre que j’ai vu sur scène l’autre jour, ce n’est pas la compagnie ?

Disons que la compagnie c’est une structure, ce sont mes mises en scènes.

Est-ce que vous avez travailler directement, à nouveau avec cette équipe ?

Il se trouve qu’on a décidé de faire un deuxième projet, Quatuor c’est un peu le projet qui a le plus marché pour l’instant dans la compagnie. On a fait plusieurs festivals, dont Impatience, on a gagné un prix avec. Donc du coup, on a décidé d’en refaire un autre parce qu’on avait envie, mais ce n’est pas vraiment l’activité principale, enfin, ça ne constitue pas la compagnie spécialement.

L’autre spectacle que vous avez fait ensemble c’est Flirt ?

Oui c’est ça. Oui, c’est ce qu’on répète là. (NDLR : on rencontre Florian aux Trois Baudets)

Ah, c’est ça que vous allez donner ici ?

Non non on ne le joue pas ici. On répète ici mais on joue à Bordeaux la semaine prochaine.

D’accord.

C’est une salle de répète pour nous quoi.

En même temps, pourquoi pas, on pouvait imaginer que vous ayez joué là. Vous n’avez pas de dates à Paris sur ce spectacle-là ?

Flirt, on l’a déjà créé à Paris en fait, à Main d’Oeuvre. Mais pour l’instant aucune date parisienne n’est à venir.

Vous avez un rapport au corps qui est d’ordre de la performance. C’est ce que vous aimez comme genre de spectacle ? C’est ce que vous allez voir ? 

Non pas spécialement. Comme je vous l’ai dit, je viens plutôt du texte.

Oui du texte mais vous êtes dans un champ qui est très hybride.

Disons que vraiment ce travail sur Quatuor, d’écriture de plateau et de dialogue avec les comédiens, ça s’est beaucoup passé comme ça. C’est pour moi une opportunité d’ouvrir les champs de la forme théâtrale. Je suis très attiré par le concert, par toutes ces formes de plateau qui quittent le sérieux du théâtre. J’essaye de considérer le plateau comme une possibilité : des endroits et des formes différentes. Après ce n’est pas une contrainte que je me donne, c’est plus une exploration de l’intérieur. Et avec ces quatre-là sur Quatuor, puis sur Flirt, c’était un peu notre axe, notre recherche. Qu’est-ce qu’on peut faire en assemblant telle chose et telle chose ? Qu’est-ce que ça donne ? C’est un peu de la chimie quoi.

Flirt aussi c’était uniquement du plateau ?

Oui encore plus. Dans Quatuor, il y a beaucoup de matériaux rapportés. Le principe, c’était de partir de qu’est-ce que c’est notre rapport intime à la violence.

Oui.

C’était un peu l’axe. On a ramené plein de choses extérieures, des matériaux réels souvent, des témoignages, des enregistrements. Et on a travaillé à partir de cela et sur les résonances que cela avait sur nous. Et sur Flirt, on a essayé d’écrire plus, de manière plus entière, d’un bout à l’autre, même si il n’y avait pas de manuscrit à la fin, ça venait de nous de manière plus entière.

Mais c’est vraiment un travail de collectif ? Ou alors vous, quand même, vous vous définissez comme metteur en scène ? Vous êtes sur scène ?

Non, enfin pas dans des spectacles collectifs comme ça. Alors non, c’est pas du tout en collectif. On peut appeler ça un travail collectif, mais je garde quand même vraiment une place de metteur en scène. Je cadre un petit peu tout le travail. Les propositions, en général, c’est plutôt moi qui les insufflent même si on est dans le dialogue vraiment. Après c’est assez ouvert sur les acteurs, il n’y a pas de hiérarchie vraiment.

On parlait de choses que vous avez apportées. J’ai adoré votre référence à Marina Abramovic et son célèbre épluchage d’oignon.

Pour le coup, c’est Stéphanie ma comédienne qui l’a amené et qu’on a gardé. Elle l’a amené vraiment tel quel, c’est-à-dire avec le texte de Marina Abramovic. Et puis oui, ça nous faisait rire à la fois ce côté performatif en vrai puisque ça créé un effet et en même temps un peu de ridicule dans cette violence qu’on s’inflige. Et puis il y a une phrase dans le texte « un artiste ne doit pas copier un autre artiste », ça nous faisait rire de le faire, d’être complètement dans le plagiat.

Vous arrivez bien à violenter les gens, mais en tout en douceur. C’est plutôt intéressant, c’est que vous voulez faire ?

Oui c’était l’objectif.

Déranger sans violenter…. Vous n’êtes pas dans une recherche de trash ?

Non, on ne cherche pas à brusquer l’écoute réelle du spectateur. L’idée c’est quand même qu’il se passe des choses, enfin, c’était un peu l’enjeu du spectacle, c’est qu’il se passe une chose positive aussi dans le rapport acteur-spectateur malgré toute la merde qu’on remue, et qu’on remue vraiment, on essaie vraiment de le faire. Ce n’est pas juste un jouet, un gadget pour amuser non plus. Enfin, on essaie que ce ne le soit pas. Il y a de la douceur, de la sensibilité et de l’humanité là-dedans.

Et de l’humour.

De l’humour aussi oui.

Et justement, je trouve que l’humour arrive parce que vous avez une façon de travailler le phrasé et la disposition du corps qui est assez étonnante, qui est assez chorégraphique. Vous hachez beaucoup, vous mettez des pauses là où il ne doit pas y en avoir, cela créé de la surprise, des cassures de rythmes. Quel est ce travail que vous avez sur la bouche, sur la façon de parler, sur cette diction particulière ?

Que ce soit le corps ou la parole, c’est vraiment intuitif. Moi, je ne viens pas du tout de la danse, c’est quelque chose que je ne connais pas bien.

Vous n’en regardez pas ?

Peu. C’est vraiment, c’est le projet qui veut ça, c’est comme ça que ça s’écrit et c’est comme ça qu’on a besoin de l’écrire, mais ce n’est pas forcément une passion, un désir. Sur ce phrasé, je ne saurais pas dire.

Ça vous étonne que je dise ça ? On vous l’a déjà fait remarquer ?

Oui il y a des moments où effectivement c’est travaillé, par exemple sur cette impro, au milieu, sur les couples, là il y a quelque chose de très musical mais parce qu’il y en a besoin pour le rythme parce que c’est de l’impro, donc il y a besoin que ce soit très cadré musicalement et qu’il y ait des choses qui soient solides et tenues aussi parce qu’on décide que ce moment est complètement en impro. Donc, il faut voir comment le baliser autrement qu’en écrivant le texte. Du coup c’est du rythme, c’est de l’écoute, c’est comment placer la voix, comment relancer, etc.

Vous avez une façon de poser des corps sur une scène, surtout ce rapport à l’attente, un peu au silence, vous avez un rapport à contre-point.

Oui on essaye aussi d’en faire assez mais pas de trop, c’est-à-dire de donner exactement ce qu’il faut au bon endroit pour que ça rayonne et que ça réveille l’imaginaire des spectateurs et pas du tout lui donner, tout remplir, tout combler, etc. Oui surtout Quatuor. Dans tous les spectacles que je fais, c’est trouver le bon rapport à la parole pour trouver le bon rapport au silence et comment les choses existent d’elles-mêmes, de pas être 100% tout le temps dans ce côté brutalisant aussi. Du coup, on voit quelqu’un s’agiter et on est plus dans une sorte de tension et de réception. Oui, je cherche un peu ce qu’il se passe dans l’air entre l’acteur et le spectateur.

J’ai bien senti ça. Vous étiez en résidence à la Loge pendant des années finalement ? Ou c’est un partenariat ? Comment on peut nommer ça ?  

Alors on n’a jamais sorti le mot de « résidence », mais disons qu’on s’aimait bien réciproquement.

Comment vous l’avez rencontré ?

On leur a proposé une pièce de Copi que j’ai co-mis en scène avec une amie à moi. Et ils ont voulu nous programmer donc on a joué là-bas. Puis après, je leur ai proposé des textes à moi et puis un, deux, trois et voilà. C’est vraiment une reconnaissance réciproque, et assez naturelle, assez évidente.

C’est un beau label, c’est quand même un lieu qui est perçu comme un lieu exigeant, pointu.

Oui, complètement. Et puis maintenant ils nous produisent aussi. Ils ont ouvert un bureau de production depuis septembre qui s’appelle Maison Jaune et qui me suit aussi, qui suit tous mes projets donc oui c’est une aide énorme. J’ai fait ça tout seul, pendant longtemps, et maintenant ça m’aide à me professionnaliser, à faire les choses bien.

Et donc là « Flirt » c’est un spectacle qui a été donc pensé, créé à Main d’Œuvres mais dans une version définitive ou c’était un travail de fin de création ? C’est-à-dire là vous le reprenez, vous le repensez ?

A Main d’Œuvres, pour le coup, on était en résidence, on a bossé là-bas et oui c’était une création vraiment.

Donc là ce qui se passe à Main d’œuvres, c’est ça qui va tourner ailleurs ?

Voilà c’est ça. Sauf que là on a deux temps : à Bordeaux et puis Lyon en mai, et à chaque fois on met des temps de répétition quand même pour amener le spectacle un peu plus loin. Comme c’était un spectacle qui fonctionnait beaucoup avec les spectateurs, on n’a pas eu un temps de réaction assez, voilà, et pas assez de recul pendant les dates de représentation pour réajuster comme il fallait, du coup on se prend ce temps-là maintenant et c’est bien après avoir un peu, que l’eau ait coulé sur les ponts.

Oui parce que finalement, c’était quand ? Vous avez commencé en septembre 2014 à travailler ce spectacle ?

On a commencé, je ne sais plus, à partir de janvier 2015 peut-être pour une création en septembre.

Ça reste assez récent.

Oui.

Là, maintenant, de quoi avez-vous envie ? Quels sont vos prochains projets ?

Le prochain, du coup, justement par rapport à cette histoire d’écriture de plateau ou d’écriture réelle, j’aimerais bien que le prochain soit un petit peu hybride, c’est-à-dire revenir peut-être plus à une histoire, quelque chose qui est plus écrit par moi, mais tout en essayant de voir comment continuer à dialoguer avec les acteurs. Donc le prochain projet sera construit comme ça.

Pour l’instant, c’est complètement dans votre tête ?

Non non, on a déjà fait une maquette au Carreau du temple en juin 2015. Ça s’appelle « Notre foyer ».

D’accord, ce n’est pas juste une idée ?

Ah non non ce n’est pas juste une idée, c’est même en cours d’écriture, c’est même en cours de recherche de production, etc. Pour l’instant, c’est assez mystérieux, on ne sait pas encore quand, comment ça va se faire.

Vous savez avec qui ça peut se faire ?  

En partie. Je ne sais pas exactement, mais bon, il y a besoin que les choses avancent de manière plus concrète, qu’on ait des dates, pour pouvoir concrétiser des choses, mais on va tout faire pour en tout cas.

Vous considérez encore que votre compagnie est une jeune compagnie ? Vous vous percevez comme ça ?

C’est un peu ce que les gens veulent bien qu’on soit aussi. Moi je continue à travailler, je continue à ne pas me donner d’excuses de jeune ou pas jeune, enfin je ne me suis jamais donné cette excuse-là d’ailleurs. J’ai mon exigence et j’avance avec et voilà. Après c’est qu’est-ce qu’on décide, je pense qu’on reste longtemps dans se catégoriser comme ça. Je pense que les gens me voient comme ça, nous voit comme ça.

Vous avez quel âge ?

25 ans.

Et vous avez commencé en 2008 ?

Oui. 2007 même pour ma première mise en scène. J’étais au lycée.

Visuel : © Camille Pautasso

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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