Théâtre
Hippolyte de Garnier et Phèdre de Racine, le monumental diptyque de Christian Schiarretti au TNP.

Hippolyte de Garnier et Phèdre de Racine, le monumental diptyque de Christian Schiarretti au TNP.

30 November 2019 | PAR David Rofé-Sarfati

 

Avant son départ du Théâtre National Populaire de Villeurbanne,  Christian Schiaretti offre son génie de la mise en scène à deux pièces voisines bien qu’écrites à  un siècle d’intervalle, Hippolyte de Robert Garnier et Phèdre de Jean Racine. Les deux textes défendus par une même troupe emportent son public. 

Christian Schiaretti  enjambe un siècle, celui des guerres de religions,   en mettant en scène le texte de Robert Garnier de 1573, Hippolyte, suivi du texte de Jean Racine de 1677, Phèdre. Il nous offre l’occasion précieuse de comparer la brûlure  gênante du texte sur-saturé de Garnier avec le texte tout en retenue et en empêchements de l’enfant de l’abbaye de Port Royal.

Rappelons rapidement le récit. Phèdre est mariée à Thésée, celui-ci a eu avec Antiope, une amazone,  un enfant, Hippolyte. Phèdre quant à elle est fille de Pasiphaé, elle-même fille du soleil et amante du taureau crétois avec qui elle enfante le Minotaure, ce monstre hybride vaincu par Thésée grâce au fil d’Ariane; Ariane la  fille de Pasiphaé, la soeur de Phèdre,  amoureuse de Thésée?!  Game of thrones n’aura rien inventé. Phèdre appartient déjà par son ascendance à une engeance d’amours interdites. Lorsque son époux Thésée est déclaré mort, elle avoue son penchant pour Hippolyte. Celui-ci se refuse mais la chose est dite; chez Garnier elle est même faite. Or Thésée n’est pas mort en mer, il revient et le drame shakespearien pas à pas se déploie.

Comme à  son habitude Christian Schiarretti invente une scénographie épurée, dans une pénombre magnifiquement esthétique et un dispositif qui frise avec l’immersif. Son trait s’acclimate aux deux ambiances contrastées, par une saturation des motifs pour l’Hippolyte de Garnier et une drastique économie pour le Phèdre de Racine. La troupe,  admirable,  accompagne l’écart.  Louise Chevillotte compose une Phèdre déchirée par l’hallucination du désir dans Hippolyte, labourée par le remords dans le Racine. La comédienne est merveilleuse dans les deux compositions. Ses duos avec Marc Zinga (Hippolyte) participent  au caractère monumental des deux pièces. Aussi et surtout,  les scènes de confrontation avec sa nourrice resteront inoubliables. Francine Bergé,  immense comédienne, impressionne par l’épaisseur qu’elle procure à chaque mot prononcé.

La qualité aiguisée de l’ensemble nous sert de viatique pour notre voyage dans le mythe et dans une intense expérience littéraire. Les applaudissements sont nourris. Nous aurons re-découvert la puissance de ces textes et nous aurons aussi peut-être apporter aux justes plaidoyers actuels contre les hommes qui violent et harcèlent, cette histoire étrange mais édifiante d’un désir féminin meurtrier.  

 

 

Hippolyte de Robert Garnier, Phèdre de Jean Racine, mise en scène par Chritsian Schiaretti au Théâtre National Populaire, du 6 novembre au 1 décembre 2019.

lien de réservation

 

Crédit photo : © Michel Cavalca.

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