Théâtre
David Nathanson eblouissant dans le nazi et le barbier à la Manfacture des Abbesses

David Nathanson eblouissant dans le nazi et le barbier à la Manfacture des Abbesses

26 April 2013 | PAR Yaël Hirsch

Difficile tâche que de monter en scène le texte débordant et ironique d’Edgar Hilsenrath sur un barbier génocidaire qui se fait passer pour une de ses victimes juives après la guerre… Éblouissant de justesse, David Nathanson revit le texte sur scène dans une excellente mise en scène de Tatiana Werner. Un superbe spectacle à la Manufacture des abbesses.

ne nazi et le barbierComplexe, vibrant, sulfureux, gênant, “Le nazi est le barbier” d’Edgar Hilsenrath, écrivain juif allemand ayant connu l’exil, puis la Palestine d’Après-Guerre puis les États-Unis, est un roman picaresque des années 1970 qui donne la parole à un génocidaire. Un peu à la manière de “La mort est mon métier” de Robert Merle à la même époque, il laisse parler le bourreau. Mais pas avec un ton grave ou l’idée de se glisser sérieusement dans sa perspective, non. Avec un ton débridé, un humour noir, une crudité et une ironie désespérée qui rappellent à la fois le Tambour de Gunther Grass et les Contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski. L’histoire est celle du barbier Max Schulz, qui a une gueule de juif mais des gênes aryens, qui est un bon coiffeur mais aussi influençable et qui a rejoint en temps et en heure la foule hululante des nazis acclamant leur sauveur. Après avoir cassé localement du juif et volontiers la boutique de son patron, le coiffeur Haim Finkielstein, il embarque tardivement à l’Est où il assassine des juifs dans les cimetières. Co-responsable d’un camp pendant tout le reste de la guerre, il y assassine toute la famille Finkelstein. Après la défaite, il trouve la planque idéale et usurpe l’identité du fils, Itzi Finkelstein, ce qui le mène en Palestine. Dans un long monologue adressé aux “oreilles mortes” de Itzig, il raconte sa trajectoire de nazi à juif, (presque) sans l’ombre d’une culpabilité.

Vivant, vibrant et terriblement percutant, le roman, même en français, a un rythme entraînant qui en fait un objet difficile mais passionnant à transposer sur scène. Avec quelques vêtements, un joli fauteuil de barbier et un jeu de sons et lumières impeccablement orchestré, l’impressionnant David Nathanson incarne le texte d’Hilsenrath. Non seulement le jeu est parfaitement mesuré et la voix impeccablement posée, mais chez ce comédien qui prend chaque mot du texte à cœur, on sent affleurer une intense émotion derrière l’ironie, si bien que le personnage double et odieux trouve sa juste place, si complexe à tenir, aux côtés des morts. Une formidable performance pour un grand spectacle, gênant, bouleversant et puissant.

“Le nazi et le barbier” d’après Edgar Hilsenrath, mise en scène : Tatiana Werner, jeu : David Nathanson, Lumières : Anaïs Souquet. Durée du spectacle :1h20.

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Camille Hispard

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