Théâtre
Bouleversant Adieu Monsieur Haffmann au Théâtre du Petit Montparnasse

Bouleversant Adieu Monsieur Haffmann au Théâtre du Petit Montparnasse

26 May 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

Jean-Philippe Daguerre est avant tout connu comme metteur en scène. On ira avec bonheur découvrir au Théâtre du Petit Montparnasse le Daguerre auteur. Sa pièce Adieu Monsieur Haffmann  est une bouleversante histoire d’amour au temps de l’occupation.

 

Daguerre construit un récit solide, inattendu sur le dilemme qui s’avérera comique, romanesque et radicalement bouleversant.

Paris, 1942. Le port de l’étoile jaune est décrété pour les Juifs. Un bijoutier juif, M. Haffmann, propose à son employé de lui confier sa boutique. En compensation, il le cachera et le nourrira dans la cave. Une estime réciproque autorise l’employé d’accepter l’offre en y ajoutant une condition supplémentaire. Jeune marié, il se sait stérile et attend qu’Haffmann connaisse son épouse. Le scénario invraisemblable s’inspire en partie de faits réels. L’auteur l’avoue, il ne sait d’où lui est venue cette idée de triangle amoureux.

La pièce déplie  une belle histoire romanesque. Au sein de ce trio de gens ordinaires va advenir une série d’évènements extra-ordinaires. Nous partagerons leurs peurs: que la cache soit repérée, que l’acte sexuel ne produise pas l’effet espéré. Nous partagerons aussi leur communauté d’interêt et d’adversité, hors champ l’occupation nazie. Tout semble préservé lorsque s’invite à diner le gros client de la bijouterie, Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne et proche d’Hitler, chargé notamment du vol des oeuvres d’art détenues par les Juifs…

Chaque rebondissement est haletant tandis qu’à chaque fois les personnages sont confrontés à un dilemme. Comment garder son âme, comment ne pas trahir, comment aimer l’enfant d’un autre ? La pièce est subtile, elle évite le scabreux ou l’ambigu.

Rarement les talents se sont si bien assortis  dans une belle pièce d’acteurs

Décor sombre sans couleur, nous sommes dans une tanière qui tente de se couper du monde. Gregori Baquet (dans une partition à mi chemin entre son personnage serein et souriant du Colorature de Stephen Temperley et de son personnage d’aventurier et de séducteur dans La reine de beauté de Leenane de Sophie Parel) incarne admirablement le jeune marié qui veut saisir sa chance. Alexandre Bonstein campe un extraordinaire bijoutier dans une finesse de déréalisation, entre pragmatiste et pudeur. Julie Cavanna par sa grande beauté et son jeu assure une belle présence à la courageuse épouse volontaire et effacée à la fois. Salomé Villiers (derniérement dans le rôle de Silvia dans Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux) s’extrait par le haut de son rôle doublement impossible, d’une femme plus hitlérienne que son mari ambassadeur nazi couplé au seul personnage comique de la pièce.

Une pièce vertueuse sur l’amour.

La pièce est un bijou, car les comédiens puissants nous plongent par le truchement de nos projections, dans les tourments et les dilemmes des années d’occupation. Le texte de Jean-Philippe Daguerre est un trésor car il parle en sous-texte et tout en délicatesse de l’amour et de l’amitié entre les hommes. C’est bouleversant.

 

 

 

Auteur : Jean-Philippe Daguerre
Interprète : Gregori Baquet, Julie Cavanna, Franck Desmedt, Jean-Philippe Daguerre et Salomé Villiers
Réalisateur/Metteur en Scène : Jean-Philippe Daguerre

1H30
au Petit Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaité, 75014 Paris

Visuel © Evelyne Desaux

Infos pratiques

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