
Avignon OFF “Révolte – Revolt, she said, revolt again” d’Alice Birch, un précieux attentat contre l’ordre symbolique.
Commande de la vénérable Royal Shakespeare Company, la pièce d’Alice Birch est une œuvre capitale. Traduite par Sarah Vermande, elle devient dans la mise en scène de Sophie Langevin une pièce-concept essentielle et édifiante sous la forme d’une partition pour quatre comédiens. L’humour qui traverse le texte est restitué avec virtuosité sur le plateau.
Trois murs et des patères auxquels sont suspendus des éléments de décor ou de costumes. Le décor est tout blanc et sans porte, car il s’agit de réécrire nos habituels tête-à-tête sur une page blanche et sans échappatoire. Sans glose, sans description, sans vitupération militante, la pièce est un manifeste féministe radical qui assaille pour les coloniser les mécanismes connus de langage. Loin du panorama des pièce actuelles aussi ennuyeuses qu’attendues sur le genre, l’écriture inclusive ou #MeToo, Alice Birch fait mouche. Elle ne propose pas une insurrection peureuse, mais une révolte, une malicieuse révolution où le lecteur et ici le public est invité, en complicité intellectuelle.
La pièce par sa scénographie conceptuelle et fluide, par une interprétation plastique aussi, opère ce petit pas de côté qui de proche en proche déconstruit le langage et les comportements des hommes et des femmes, les premiers asservissant les deuxièmes sans y prendre garde. Elle enchaîne une série de saynètes, chacune percutant l’ordre symbolique. À l’endroit de l’impact émerge une joie pleine de celle du théâtre, où l’humour accompagne le geste.
Les quatre comédiens émérites garantissent le procédé, tandis que la représentation théâtrale, car elle est dans l’immédiateté, épouse et restitue l’impact de cette incompréhension consubstantielle au langage entre les hommes et les femmes. Le rire en plus. Une scène où une femme réclame à son patron homme de ne plus travailler le lundi est hilarante, si vraisemblable et édifiante.
Révolte rappelle une autre pièce la Révolte d’Auguste de Villiers de L’Isle-Adam, sauf que désormais les femmes qui s’essayent à l’émancipation ne reviennent pas. Il n’y aura plus de marche en arrière. Cette pièce est une provocation actuelle et vertueuse. Elle déclenche une bombe qui nous fait penser autrement.
Un choix indispensable pour le festivalier.
Revolt, she said, revolt again
Metteuse en scène : Sophie Langevin
Interprète(s) : Agnès Guignard, Denis Jousselin, Francesco Mormino, Leila Schaus
Costumes : Sophie Van den Keybus
Lumière : Nico Tremblay
Musique : Emre Sevindik
Vidéo/Régie : Jonathan Christoph
Traduction : Sarah Vermande
13H15
Durée 1h05
CASERNE (LA)
116, rue de la Carreterie
84000 – Avignon.
©Visuel: affiche de la pièce.