Théâtre
Aux Célestins, Belgrade : « la ville aux 100 000 soupirs »

Aux Célestins, Belgrade : « la ville aux 100 000 soupirs »

17 June 2015 | PAR Elodie Martinez

Pour clore cette saison, le Théâtre des Célestins offre ce qu’il qualifie comme un « véritable coup de cœur » : Belgrade, d’après Angélica Liddell, traduit par Christelle Vasserot et mis en scène par Thierry Jolivet. Un coup de cœur mérité pour cette pièce qui ne laisse pas indifférent : on en sort conquis ou révulsé.

Slobodan Milosevic est mort. Les chaînes de télévision et de radio ne cessent d’en parler et c’est par là que débute la pièce. Le point de départ est celui de la fin d’une vie, celle d’un tyran.
Agnès, en bonne journaliste de guerre qu’elle est et dont le nom n’est en réalité jamais donné, part récolter des informations et enquêter dans ce pays qu’est alors le Kosovo. Nous la suivons donc à travers ses rencontres, à commencer par un partisan et acteur politique offrant sa vision des choses dénonçant le regard de l’occident qui voudrait qu’ils aient honte. Suivront un yougoslave lambda survivant comme il peut dans la terrible pauvreté qui est alors la sienne et un médecin légiste qui, dégoûté des hommes, avoue qu’il ne « voulait plus les remettre sur pieds » et que c’est ainsi qu’il a cessé de soigner les vivants pour s’occuper des morts.
Cette rencontre-ci marque un temps peut-être un peu trop mort dans cette production : aucun mouvement, seulement un long monologue quasi monocorde (dont le début n’était d’ailleurs pas très audible). Ce dernier colle toutefois parfaitement à l’intention mais garde difficilement l’attention des spectateurs même si les conditions qu’il dépeint mérite qu’on s’y attarde.
Enfin, Agnès rentre chez elle ou bien à l’hôtel où, pour la première fois, elle parle à son tour, explose face à ce manque d’amour et à cette incapacité d’aimer dans ce pays. Le monologue prononcé par le jeune yougoslave avec qui elle était conclut alors la pièce en crescendo, finissant par véritablement hurler une vérité peut-être pas bonne à dire mais bonne à entendre pour couvrir la musique servant de fond.

La mise en scène est efficace pour servir le texte dur de l’auteure : elle reste simple sans pour autant être éthérée ou aseptisée, les changements de décors se font à vue mais se fondent dans la masse qu’est la pièce. Pas de chichi à Belgrade, il en va de même sur scène. Au-dessus de la chambre et de la douche, un second plateau où sont les deux musiciens (le batteur ainsi que le guitariste également au synthétiseur) et parfois un comédien au micro sur pied. Paradoxalement au silence décrit de la ville règne la musique tonitruante et les voix des artistes amplifiées par leurs micros afin d’être entendues. Peut-être est-ce d’ailleurs un petit peu trop : ce n’est pas la première fois que les Célestins tentent l’expérience de ces instruments dans leur grande salle. En effet, durant la saison 2011-2012, un tryptique Des femmes de Sophocle (incluant Les Trachiniennes, Antigone et Électre) avait été joué accompagné par des instruments et l’acoustique de la salle à l’italienne avait déjà montré ses limites, notamment pour la batterie.

Outre ce petit problème sonore, celui de la lumière à un passage seulement : les spots déposés sur le sol ont offert un apport lumineux tel qu’il était impossible pour certains de garder les yeux ouverts, du moins au parterre, au plus près des projecteurs. Quelque peu gênant pour pouvoir apprécier la mise en scène… Après les oreilles qui bourdonnent et sifflent, voici les yeux qui piquent et pleurent…

Malgré ces deux points, le déplacement vaut la peine. Certains sortiront outrés et choqués, estimant “qu’une telle pièce devrait être interdite”, d’autres sortiront conquis, mais personne ne sortira indifférent. Une pièce qui fait indéniablement partie des œuvres à voir et surtout à écouter.

 

Infos pratiques

Le Festin-Centre Dramatique national de Montluçon
La Comédie de Clermont Ferrand
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