Théâtre
Avignon OFF, à voir d’urgence : le foutraque “Hamlet” de Jérémie Le Louët au 11 Gilgamesh Belleville

Avignon OFF, à voir d’urgence : le foutraque “Hamlet” de Jérémie Le Louët au 11 Gilgamesh Belleville

01 July 2019 | PAR David Rofé-Sarfati

Après leur inénarrable  Don Quichotte la compagnie des dramaticules s’empare du plus célèbre drame de tous les temps:  Hamlet de Shakespeare pour nous le projeter au visage avec une incontestable puissance comique.

 

Après avoir passé l’ouvreuse vous serez accueillis  par Horatio, en maillot de foot signé  Oratio, gesticulant à la façon d’un chauffeur de salle micro à la main au milieu du plateau où va bientôt avoir lieu le mariage de Gertrude et de Claudius,  Caïn shakespearien. Horatio nous invite à nous asseoir à éteindre nos portables et à nous préparer à la fête de mariage. Dans un coin Polonius en chaise roulante attend. À une table Hamlet catatonise dans sa mélancolie désenchantée.

Les soldats qui montent la garde en ouverture sont disparus tandis qu’Horatio, avec son éloquence  ses fantômes ses apparitions et ses présages lance l’intrigue. Le ton est donné. Il a été décidé une truculente liberté de traitement. Le drame de ce fils voulant venger son père tué par son propre frère  deviendra sous nos yeux ébahis une comédie dramatique moderne sur fond de conflit générationnel et d’inceste faussement joyeux.   À la fin de la journée, la cruauté de l’intrigue fermera la marche et puisque nous sommes chez Shakespeare tout ce petit monde déjanté sera mort.

Il est peu commode de décrire la créativité et la profusion des motifs sauf à écrire que la troupe crée un univers scénique (création scénique Blandine Vieillot et Thomas Chrétien pour les lumières) et musical envoûtant (la création son de Thomas Sanlaville  est absolument magnifique) entre Stanley Kubrick et Ivo von Hove avec la folie délirante de Amadeus de Milos Forman. Sauf à indiquer que rarement une partition jeu-musique-video n’a su fabriquer une telle cohérence esthétique.

La pensée de Shakespeare survit magnifiquement  à ce salmigondis ordonné de motifs théâtraux, car Jérémie le Louet l’explique : j aime que cohabitent dans un même spectacle la tradition et l’expérimentation. La pensée autant que le récit. La mort de Polonius demeure le pli central de l’intrigue. Le monologue de Hamlet est conservé dans sa rudesse. Comme est conservée la réflexion shakespearienne sur les corps entre l’enterrement du corps d’Ophélie suicidée et  le corps de la métensomatose (le corps qui se réincarne dans un autre corps) par les vers de terre. Mieux : ce thème trouve une nouvelle force par  la mise en scène autorisant une place étendue au jeu physique et charnel .  L’ensemble est un prodigieux spectacle drôle et intense qu’il faut aller voir d’urgence.

 

 

“Hamlet” de Jérémie Le Louët du 5 au 26 juillet à 22h10 au 11 Gilgamesh Belleville.

 

 

Crédit Photos Doisne Studio

Infos pratiques

Musée d’art moderne de Troyes
Cité du vin
David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration