Théâtre
1984 – Big Brother vous regarde au Théâtre de Menilmontant.

1984 – Big Brother vous regarde au Théâtre de Menilmontant.

27 November 2017 | PAR David Rofé-Sarfati

Après qu’il ait survécu à l’attentat du 13 novembre Sébastien Jeannerot décide d’offrir en novembre 2016 à sa pièce basée sur le célèbre roman de Georges Orwell une septième saison. La pièce et sa force nous revient cette année et son esprit s’abat une nouvelle fois sur l’islamo-fasciste avec prégnance.

A l’abri du regard du télécran, Winston tient un journal dans lequel il condamne la société totalitaire dans laquelle il vit. Au ministère où il travaille, il est contacté par O’Brien, membre d’une société secrète tentant de faire tomber le Parti. Parallèlement, il se sent espionné par Julia. En réalité, on découvrira que chacun feignant être un autre va concourir à emmener Winston sur un chemin d’une illusoire rébellion qui se transformera en une totale soumission, sur le chemin de sa propre mort. De surcroît, l’amour authentique ne survivra pas à cette expédition.

Puissant est le mot qui vient devant ce spectacle. La rationalisation du décor, la scénographie parfaitement réglée, le jeu réaliste et la violence du traitement renvoient à la cruauté du propos. La vidéo n’est pas seulement un habillage, mais plutôt une authentique oeuvre de cinéma, on pense à L’aveu de Costa Gavras par exemple. Chaque mouvement ou chaque élément est un motif propre et le parti pris d’une mise en scène riche où rien n’est laissé au hasard fait sens ; Bernard Senders, O’Brien, véritable et talentueux comédien est le seul à soutenir le texte tout en y résistant, les autres comédiens surjouent des personnages soumis au rythme de la machine totalitaire. L’ensemble est magnifique, l’atmosphère du roman est restituée et Senders est en charge de l’esprit du texte.

Georges Orwell posait la question de la place de l’État dans nos vies ; Sébastien Jeannerot, metteur en scène et acteur principal de l’adaptation fouille la question de l’installation et de la perpétuation du fascisme, la question du comment un tel pouvoir tient et se préserve. La pièce revient pour une septième saison ; une saison après les attentats ; et on repère vite les similitudes entre le monde de l’Océania et celui de Daesh. La torture, l’usage de la vidéo, les discours illuminés face caméra, le statut des femmes, la peur du sexuel, la création par le pouvoir d’un Emmanuel Goldstein!, ennemi commun et universel, la science d’État qui fait que deux et deux font cinq et surtout la mise au pas de la langue qui voit son lexique se réduire au minimum, le synonyme disparaître, les antonymes s’annuler. La guerre est la paix, la liberté est l’esclavage. Comme le martyr islamiste qui se veut tout à la fois l’agresseur et l’agressé.

Avant de mourir, Winston interroge, dernier instant de liberté de penser : Big Brother existe-t-il vraiment ? (Allah existe-t-il vraiment ?)

Manifestement écrasé par toutes ces analogies le metteur en scène dit là son traumatisme du terrorisme islamiste et on l’entend d’autant que sa pièce admirable, c’est en cela qu’elle doit être vue par le plus grand nombre, chose rare, articule façonne et donne à voir le traumatisme.

Auteur : George Orwell, Adaptation Alan Lyddiard Artistes : Sébastien Jeannerot, Hélène Foin Coffe, Bernard Senders, Gregory Baud, Mathieu Brouzeng-Lacoustille, Loic Fieffe, Emilien Audibert, François Mallebay Metteur en scène : Sébastien Jeannerot

Infos pratiques

Odéon Théâtre de l’Europe
Les Gémeaux
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