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Le Grand Sommeil, l’histoire vraie de Marion Siéfert à la Ménagerie de Verre

Le Grand Sommeil, l’histoire vraie de Marion Siéfert à la Ménagerie de Verre

21 November 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

C’est le genre de collaboration qui nous fait très plaisir. Le festival d’automne et les inaccoutumés de la Ménagerie de verre font alliance pour présenter un spectacle délirant sur la naissance de l’adolescence incarné par le corps incroyablement laxe d’Helena de Laurens

C’est également le genre de bande-son que l’on aime bien. Parce qu’on peut l’avouer rapidement nous aussi on a onze ans souvent. Alors oui,  Rihanna  ça nous fait autant remuer que la gamine. La gamine ? Non parce que la danseuse-là devant nous n’a pas du tout l’air d’avoir onze ans, elle a l’air absolument adulte. On apprendra même qu’elle a 29 ans et que selon Jeanne, qui elle a vraiment 11 ans, c’est déjà vachement vieux quand même. Car Jeanne et Helena ne font plus qu’une pour ce pas de deux en solo.

Ce spectacle est finalement quelque chose de très classique qui raconte un spectacle qui n’a pas pu se faire. Mais c’est dans la façon de faire ce spectacle qu’il y a une originalité vorace. Pour des questions de droit de travail des enfants, Jeanne, visiblement bien aidée par ses parents, quitte le projet. Plutôt que de lâcher, Marion Siéfert pense une autre pièce. Alors Helena campe en danse aux bases classiques solides, en contorsions aux bases circassiennes solides et en comédie au jeu d’acteur très solide… la petite fille.

Elle devient cette adolescente qui est une grande enfant ou une enfant grande plutôt, avec un corps en mouvement qui la dépasse forcément. Le résultat est parfois monstrueux, le visage se tord et se déforme, et tout le corps jusqu’aux mains qui deviennent araignées. Elle est vraiment une gamine de onze ans qui se ressentirait comme possédée par un Alien. Normal, à onze ans. Elle a le look d’un petit chaperon rouge qui n’a pas peur du loup…encore.

Tous les thèmes liés à l’entrée dans l’adolescence sont merveilleusement évoqués dans les mots de Jeanne incarnés par la voix et le corps d’Helena. La relation aux parents, la découverte de sa sexualité, des mots sales dans sa bouche… tout ce qui fait la transition fort longue entre l’enfant et l’adulte.

Ce spectacle est clairement une comédie, on rit souvent et beaucoup face au jeu extrême de la performeuse qui ne s’interdit rien sur le plateau habitué à tout de La ménagerie de verre. Elle y bave, elle s’accroche à l’une des poutres, et ce paye même le luxe de se fondre dans le blanc.

Il y a des instants de beauté pure dans Le Grand Sommeil que la metteuse en scène assassine volontairement, car à onze ans s’émouvoir de quelque chose de joli,  ça craint tout de même.

Ce fut une soirée de révélation pour nous qui ne connaissions ni le travail de la metteuse en scène (pourtant artiste associée au Théâtre de la Commune) ni celui  de la performeuse. Et c’est cela que l’on vient chercher, toujours aux Inaccoutumés. Le label du festival d’Automne fait entrer le spectacle directement dans la cour des très grands et cela est mérité.  Il y a ici une très belle écriture à la fois chorégraphique et théâtrale et une direction d’actrice absolument étonnante.

Visuel : ©Matthieu Bareyre

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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