
“Différentes choses” Dominique Gilliot ouvre Les Inaccoutumés avec des messages personnels
L’artiste associé de La Ménagerie de Verre nous parle de Différentes choses, et particulièrement d’elle, dans une pièce aux belles parenthèses.
Elle veut se pendre. Visiblement, enfin, les indices sont là. Debout sur un escalier, le visage caché par les barres métalliques de la Ménagerie, la corde posée sur son épaule. “Ouais, ok”. On rit mais on est mal. Elle raconte, car elle raconte toujours. Elle marche encore. Elle se cache derrière un micro toujours. Elle assume la vue mer et les sous-textes. On l’avait laissée disséquant la Ménagerie de Verre dans ses moindres recoins. Cette fois-ci, c’est elle qu’elle dissèque. Pour ce faire, elle se rassure en collectionnant des objets, exactement : une bâche bleu, du sable fin, un rondin, un escalier, un aquarium, un coquillage, un corail, une pelote, des copeaux de papier, un panneau “doré”.
L’accumulation est ici une sécurité. Les objets n’ont aucun lien apparent entre eux, mais leur alignement sans soucis de cohérence les transforme en pièces de musées. Rien n’est laissé au hasard dans une volonté de contrôle sur tout qui est au cœur du propos.
C’est fragile mais je prends le risque
Elle se dit “flou-classe”, on la trouve plutôt très ancrée. Pour comprendre ses relations amoureuses foireuses avec des “animaux des profondeurs illisibles” elle cherche dans ses abîmes personnelles les clés pour ne pas se répéter. Dans cette pièce au rythme apaisé, la performeuse se moque d’elle-même avec une distance juste. Ce spectacle contrairement aux précédents, cherche moins à faire rire.
Si dans la forme, le stand-up n’est jamais loin, le concert pop non plus. Rappelons qu’en plus d’être diplômée de l’École des Beaux-arts de Paris-Cergy en 2005, post-diplômée en 2007 de l’École des Beaux-Arts de Lyon, elle est fille du duo Un Moment Hi-Fi aux côtés d’Antoine Pesle. Toujours chez Dominique Gilliot le kitsch vient glisser sur la mélancolie pour rendre l’angoisse légère comme une chanson française des années 80. Les mots coulent à flot, elle parle, parle beaucoup, et quand les mots sont trop lourds, elle les chante. Et quand la lumière s’en mêle, cela devient vraiment beau. Pas juste un peu beau, vraiment beau.
Différentes choses est un méli-mélo d’émotions. La vraie force de la pièce est sa fragilité. C’est dans les parenthèses et dans les troubles qu’elle parvient à toucher le fond et à vite remonter à la surface. La thérapie devient alors généreuse et collective. “Ouais, Ok”, on peut le dire, tout le monde peut être un jour un “animal des profondeurs illisibles”. Tant qu’on en a conscience, c’est pas si grave…
La pièce est à voir jusqu’au 14 novembre à La Ménagerie, le festival Les inaccoutumés lui dure jusqu’au 7 décembre.
Visuel : ©Julien Kirmann