Opéra
Apollon et Hyacinthe de Mozart, Opéra de jeunesse, œuvre mineure ?

Apollon et Hyacinthe de Mozart, Opéra de jeunesse, œuvre mineure ?

10 March 2014 | PAR La Rédaction

Dans le cadre du cycle « Mozart enfant », La Cité de la Musique donne à voir Apollon et Hyacinthe, opéra de Mozart composé à l’âge de onze ans.

Tout le monde sait que Mozart était un génie, les moins mélomanes connaissent au moins la Flûte enchantée, tandis que les véritables passionnés assistent avec joie aux opéras les plus fréquemment représentés : Cosi fan tutte, Don Giovanni, Les Noces de Figaro… mais que sait-on des tout premiers opéras de Mozart ? La metteuse en scène Natalie Van Parys et le violoniste chef d’orchestre Patrick Cohen-Akenine allient leur talents pour réhabiliter Apollon et Hyacinthe, opéra oublié, du moins survivant à l’ombre des chefs-d’œuvre les plus visités.

Mozart n’a que onze ans quand on lui demanda, à Salzbourg, de composer la cantate dramatique Apollo et Hyacinthus, créée par les élèves du lycée dépendant de l’université de Salzbourg. Le livret de l’opéra, écrit par Rufinus Widl, est adapté d’un épisode des Métamorphoses d’Ovide : la scène inaugurale fait apparaître le roi Oebalus, sa fille Mélia, son fils Hyacinthe et Zéphyre, amoureux d’Hyacinthe. Tous préparent une cérémonie en l’honneur du dieu Apollon, mais une tempête se lève. Apollon paraît, demandant l’hospice au roi Oebalus en échange de sa protection éternelle. Alors que les trois jeunes hommes, Hyacinthe, Apollon et Zéphyre, disparaissent pour jouer au disque dans les bois, Oebalus annonce à sa fille Mélia qu’Apollon souhaite la demander en mariage. Laissant éclater au grand jour sa vanité, elle exulte, se voyant déjà déesse régnant sur la Faune et les Satyres. Cependant, Zéphyre, jaloux de l’affection que le plus beau des dieux semble porter à son bien-aimé, tue Hyacinthe lors de la partie, et revient annoncer à Mélia et au roi Oebalus qu’Hyacinthe a été mortellement blessé par Apollon. Ce dernier est chassé à tort par Mélia. Oebalus se rend sur les lieux du crime, et apprend de la bouche de son fils expirant que c’est Zéphyre qui l’a tué. Fous de colère et de chagrin, Mélia et Oebalus invoquent le retour d’Apollon. Le dieu répond favorablement à leurs prières. Il transforme la dépouille d’Hyacinthe en fleurs et épouse Mélia.

C’est Charles Rosen qui dans son ouvrage Le Style classique, fit de la triade Haydn, Mozart et Beethoven les trois compositeurs les plus représentatifs du classicisme viennois. Selon le musicologue, l’œuvre de Mozart ferait correspondre exactement la forme à la matière, tandis que chez Haydn, la forme serait supérieure à la matière et que chez Beethoven, la matière serait supérieure à la forme, annonçant déjà le romantisme. C’est que, tout en respectant les carrures, Mozart enfant compose une musique aux airs virtuoses soutenus par une harmonie éminemment dramatique, alternant avec des récitatifs travaillés « à s’en faire mal aux mains », comme l’écrit son père. Comment représenter aujourd’hui cet œuvre méconnue du grand public, mineure, et dont le livret est écrit en latin ?

La metteuse en scène Natalie Von Parys prend le parti de transposer le mythe grec dans l’univers contemporain des plages californiennes : Hyacinthe et Zéphyre sont deux jeunes hommes adeptes du skate, arborant casquettes à l’envers et bermudas, le roi Oebalus et sa fille Mélia ont un look « rock star », et Apollon est un jeune homme portant une veste en cuir noire, à l’allure désinvolte. Le barbecue devient l’autel de la cérémonie en l’honneur d’Apollon et la prière est convertie en danse « flash mob ». Loufoque et surprenante, cette mise en scène avait l’avantage de bien distribuer l’espace et d’intégrer les instrumentistes à la scène. Natalie von Parys parvient de manière remarquable à transposer le mythe dans notre temps, stigmatisant dans de véritables trouvailles scéniques les vices des hommes, déjà soulignés par la musique de Mozart et le livret de Rufinus Widl. C’est par exemple l’air de Mélia, « Laetari, iocari », qui met en scène une Mélia coquette, se complaisant dans de magnifiques vocalises, tandis qu’elle prend la pose devant son père la photographiant. Plus tard, Oebalus et Mélia réunis devant la dépouille d’Hyacinthe chantent un duo virtuose, mais alors qu’Oebalus expire son chagrin, Mélia déplore sa méprise, regrettant d’avoir abandonné son fiancé. La ligne mélodique est la même, la musique lisse les aspérités et la douleur profonde du père et la mélancolie superficielle de la coquette sont nivelés. On note les superbes performances des chanteurs, tous doués d’un sens du drame exquis, et s’amusant de la virtuosité presque comique de certains airs. Après une telle représentation, le public sort fermement convaincu du génie mozartien, dont il a pu goûter les prémisses, dans une œuvre dite mineure, mais à la hauteur des plus grands opéras du siècle.

Par Anna Camus

Visuel: Patrick Cohen Akenine © site cité de la musique

Infos pratiques

La Fábrica Flamenca – Centro Flamenco de Toulouse
Centre national édition Art Image
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One thought on “Apollon et Hyacinthe de Mozart, Opéra de jeunesse, œuvre mineure ?”

Commentaire(s)

  • Formation musical de l’œuvre

    April 3, 2016 at 13 h 18 min

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