
La disparition de Josef Mengele
« La disparition de Josef Mengele » est une pièce de théâtre saisissante et puissante, adaptée du roman d’Olivier Guez, lauréat du prix Renaudot 2017. Son adaptation théâtrale est poignante.
Une plongée glaçante dans l’impunité
La disparition de Josef Mengele transpose avec force et sobriété le roman d’Olivier Guez, lauréat du prix Renaudot 2017. La mise en scène épurée de Benoît Giros sert d’écrin à la performance saisissante de Mikaël Chirinian.
La scénographie, minimaliste mais évocatrice, installe une atmosphère oppressante, rappelant les installations de Boltanski ou ces murs d’enquête couverts de notes et de photos dans les films policiers. Chirinian ne joue pas Mengele. Il s’y refuse. Seul sur scène, il endosse le rôle du narrateur. Mais, lors d’un instant troublant, alors qu’il effleure son crâne, une fulgurance surgit—et l’ombre du bourreau d’Auschwitz semble, l’espace d’un instant, traverser la scène.
Son interprétation oscille entre sobriété et éclats de colère, entre retenue et fulgurance, maintenant une tension qui capte et secoue le spectateur. Mikaël Chirinian est immense.
Une réflexion vertigineuse sur l’Histoire
Au-delà du récit factuel de la cavale de Mengele en Amérique du Sud, la pièce interroge les complicités qui ont permis à l’ancien médecin nazi d’échapper à la justice pendant trois décennies. Elle met en lumière les zones d’ombre de l’Histoire et questionne la mémoire collective, rappelant la nécessité d’une vigilance constante face aux idéologies meurtrières. Affreusement merveilleuse, elle nous entraîne au cœur d’une traque qui dépasse la seule quête de justice : elle éclaire la mécanique du mal et son effrayante persistance.
La jouissance artistique du spectateur
La disparition de Josef Mengele pose aussi une question plus vertigineuse : celle de la jouissance artistique du spectateur face à la représentation de la Shoah. Comment recevoir l’horreur lorsqu’elle est mise en récit ? Quelle place pour l’émotion, la sidération, l’esthétique même, face à l’indicible ?
Il faut aller voir La disparition de Josef Mengele. La pièce percute et dérange, nous rappelant que toute réflexion sur ce sujet reste un impératif. Nous veillerons à accompagner notre réflexion de l’indispensable film de Lanzman le serment d’Hippocrate, en consultation gratuite sur le site d’Arte.
D’après le livre éponyme d’Olivier Guez, Prix Renaudot 2017, Adaptation et jeu : Mikaël Chirinian, Mise en scène : Benoit Giros Visuel affiche. Vu à la Pépinière le 16 février 2025