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Dual et Complexity of Belonging : deux pièces australiennes sous convulsions à Chaillot

Dual et Complexity of Belonging : deux pièces australiennes sous convulsions à Chaillot

05 June 2015 | PAR Christophe Candoni

Percutant Focus Australie au Théâtre National de Chaillot avec Dual de Stephanie Lake et Complexity of Belonging de Falk Richter, deux pièces sous convulsions très ancrées dans les problématiques identitaires et intimes du monde contemporain.

Depuis une quinzaine d’années, Falk Richter, associé à la chorégraphe néerlandaise Anouk Van Dijk, développe un théâtre dansé qui dit beaucoup sur notre époque, qui scrute d’une manière drôle et incisive les existences heurtées et les névroses du temps présent. Parti sur un autre continent à la rencontre des formidables interprètes de la compagnie australienne Chunky Move basée à Melbourne, le binôme ne se renouvelle pas beaucoup dans la forme comme sur le fond mais conserve les grandes qualités textuelles et chorégraphiques de Nothing Hurts, Trust, Protect Me, Rausch. Ainsi, on retrouve dans Complexity of Belonging ce qui fait du geste épidermique qui leur appartient un exutoire électrique et salutaire.

A travers un assemblage d’histoires intimes et fragmentées écrites à partir des “vraies” biographies des interprètes, des bouts de vie d’hommes et de femmes au bord du burn-out se livrent et tapent juste et fort car elles décrivent les anxiétés tenaces, les aspirations surdimensionnées et aussitôt contrariées d’individus questionnant leur sentiment d’appartenance à soi et au monde.

Une identification, une vérité s’imposent immédiatement. Parce que Falk Richter use d’une ironie mordante comme d’une généreuse empathie. Il pointe l’impossible échange entre les êtres malgré l’hyper connexion à Facebook, Skype, Grindr… Les acteurs monologuent dans des micros ou se parlent par écrans interposés. Ils éprouvent l’extrême solitude des interfaces d’aéroport ou des chambres d’hôtels impersonnelles aux quatre coins du monde et se laissent emporter par la vitesse, par le mouvement vampirique du temps moderne pour finir par constater l’absence de liens, le manque de sommeil, de sexe, d’amour, de l’Autre, que ne compensent pas l’addiction aux somnifères et aux porno gratuits en ligne. Falk Richter brasse aussi les questions d’actualité sociale, traite de l’adoption d’un enfant par un couple homosexuel ou du rapport excluant aux étrangers, ici des immigrants asiatiques puisque nous sommes en Australie, et de la violence ou de la culpabilité des populations autochtones inhérentes.

Débordante, survoltée, la danse d’Anouk Van Dijk fait chuter, rebondir, se jeter, s’entasser, se grimper dessus les corps pris au piège d’un jeu de chaises musicales qui laisse autant s’exprimer une forte énergie combative qu’une large vulnérabilité pour mieux traduire la claustrophobie, l’agitation angoissée, la saturation jusqu’à l’épuisement mais surtout l’élan, l’instinct de survie de l’individu éprouvé et esseulé sous un immense ciel nuageux reproduit sur cyclorama.

C’est une pièce de danse également très physique et théâtrale que signe Stéphanie Lake. Sans mot, Dual met en scène le passage d’une individualité maladive, forcenée à une relation à l’Autre explosive dans un geste chorégraphique remuant, brutal, intense. Cloisonnés dans un espace délimité par un sol blanc, les danseurs Alisdair Macindoe et Sara Black éprouvent la solitude à travers deux solos successifs puis s’unissent à l’occasion d’un dernier round où se projettent les mêmes angoisses, les mêmes secousses. Les corps frénétiques mettent en tensions et en spasmes le manque et le besoin de l’Autre.

Infos pratiques

Théatre Gérard Philipe
Comédie saint michel
theatre_national_de_chaillot

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