Danse
« Polices ! », beau spectacle humain et ouvert

« Polices ! », beau spectacle humain et ouvert

02 April 2015 | PAR Geoffrey Nabavian

Haro sur la police ? Certes. Mais de façon ouverte, et interrogative. Les mots puissants de Sonia Chiambretto rencontrent les gestes et produisent des questionnements, sous le regard de Rachid Ouramdane. Un spectacle foisonnant et réussi.

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Dans Polices ! , tout d’abord, il y a un texte. Signé par l’une des plus passionnantes dramaturges actuelles, Sonia Chiambretto. Témoignages d’écoliers sur la « police », extraits de tracts de lutte politique ou de protocoles de formation, récits historiques (comme le massacre du 17 octobre 1961), lettres de proches… Autant de matériaux mêlés, donnant au final un surprenant équilibre. Ses litanies discrètes (« là la police a été juste » / « là la police a été injuste »), le fait qu’elle cite ses sources, et sa capacité à ne pas juger les éléments qu’elle expose, laissent fasciné. Son intérêt pour les identités en reconstruction donne, une fois de plus, un caractère ouvert et humain à son texte. Belle leçon.

Des voix enregistrées disent ses mots. A juste titre : les humanités à observer sont sur le plateau, en train de bouger. Durant un long moment, des participants – « une foule d’habitants de Paris et de la région parisienne » – traversent la scène en ligne droite. Toujours dans la même direction. Leurs costumes ? Bleus. L’ordre, sans aucun doute. Sous nos yeux, il est composé d’êtres humains. Qui se meuvent dans le même sens, mais ont encore leur individualité. Au milieu d’eux dansent quatre interprètes en orange. Quel rôle leur assigner ? On finit par les voir comme des électrons tout à fait libres, symbolisant peut-être les faits et gestes de la vie quotidienne…

Si certains tableaux apparaissent un peu longs, ils finissent par déboucher sur des images fortes et pertinentes : lorsqu’un extrait de film intervient (issu de Trois frontières, de Mehdi Meddaci), la chute d’un homme dans la mer, montrée au ralenti, frappe et nous émeut ; lorsque vers la fin, l’une des interprètes entre pour chanter, tous les participants arrivent à sa suite, en dansant comme dans une fête… On trouve juste dommage le manque d’interaction entre forces de l’ordre et électrons. Serait-ce le sentiment que veut prodiguer le spectacle ?… A certains moments, la danse des hommes en bleu semble trop carrée. Trop fermée sur elle-même pour qu’émotion et questionnements surviennent. A tel point que le fond sonore, pas extrêmement fin, frappe parfois plus. Au niveau chorégraphique, ce spectacle n’est sans doute pas le meilleur de Rachid Ouramdane. Mais il parvient à faire se rencontrer le texte et le geste. Et au final, tout ce bleu se trouve questionné, dans un sens positif. On a envie, aujourd’hui en France, qu’il continue à symboliser la police, et pas autre chose…

Polices ! , un spectacle de Rachid Ouramdane. Texte : Sonia Chiambretto. Musique : Jean-Baptiste Julien. Scénographie : Sallahdyn Khatir. Lumières : Stéphane Graillot. Costumes : La Bourette. Assistante artistique : Eve Beauvallet. Régie générale : Sylvain Giraudeau. Régie son : Cyrill Maudelonde. Interprètes danseurs : Mani A. Mungai, Annie Hanauer, Dorothée Munyaneza, Klara Puski, et en alternance Elio Fouilleul, ou Mathieu Guidoni. Et avec une chorale d’enfants des conservatoires de Garges-lès-Gonesse et de Gonesse, et des habitants de Paris et de la région parisienne. Durée : 1h10. Au Théâtre de la Ville jeudi 2 et vendredi 3 avril.

Visuel : © Patrick Imbert

Infos pratiques

Centre Pierre Cardinal (festival Les Musicales)
Le Théâtre de l’Athénée
Marie Boëda

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