
Performance boisée et lignes classiques à June Events
Le Festival June Events continue ses explorations autour des écritures de la danse. Au programme très dense de ce jeudi 9 juin, trois spectacles : Chêne Centenaire de Marion Carriau et Magda Kachouche suivi du trio Kernel et du solo Janet on the roof de Pierre Pontvianne, artiste associé à l’Atelier de Paris.
Sculptures post-modernes
En ouverture de ce buffet chorégraphique, nous découvrons le spectacle performatif des danseuses Marion Carriau et Magda Kachouche. L’entrée en matière est de toute beauté. Il s’agit d’une apparition aux contours indéfinissables. Nous entendons un “Om” profond qui va s’ouvrir de plus en plus pour devenir un son augmenté. Elles sont ce chêne centenaire fait de centaines de morceaux de plastique coloré. Elles font corps commun dans une unité parfaite. L’image est folle, celle d’une sculpture chamanique, une espèce de loup étrange.
Dans un décor fait de fumée et de poussière, les lumières s’allument, le dialogue est renoué via un câble. La danse est rare dans ce travail que l’on sent encore en progression. Chêne Centenaire vaut pour les postures de Magda Kachouche en sphinx du monde d’après et les secondes trop rares de la danse déséquilibrée de Marion Carriau.
Le souffle et les lignes de Pierre Pontvianne
Pour les deux pièces suivantes, les énergies sont toutes autres. Nous quittons les espaces boisés fantasmagoriques pour plonger dans deux études de lignes qui n’ont rien à envier aux grands ballets classiques et néo-classiques. Le premier, Kernel est un trio enserré entre deux bandes blanches. L’espace de scène est réduit à cet espace-là. Jazz Barbé, Clément Olivier et Léna Pinon Lang. Kernel, entendez, le noyau en anglais est une histoire de fusion et de fission. Eux trois, torses nus, pieds nus et pantalons noirs dansent les uns dans les autres guidés par leur souffle. Le geste est extrêmement précis, très écrit mais il reste au niveau de la beauté. Cela vient d’un manque de radicalité au niveau de la lumière linéaire et de la musique faite de nappes métalliques.
Le troisième et dernier spectacle, Janet on the roof est un solo aux bords de la contorsion offert à Marthe Krummenacher, danseuse à la souplesse hors-norme. Elle va faire le tour d’elle-même, nous offrant dans les premières minutes, qui tiennent du chef d’œuvre, une leçon sur les ouvertures possibles des épaules puis des hanches. Malheureusement, l’écriture super classique, faite de tableaux successifs, épuisent notre regard. La pièce est un duo son / corps. Chaque moment d’exploration corporelle est entrecoupé d’un chaos sonore dans le noir. Loin de nous faire ressentir que ce chaos et cette danse sont liés, cela les oppose. Le talent indéniable de l’interprète est à saluer, mais la construction de la pièce qui finit par un geste bien trop attendu de libération et de souffle et par l’arrivée de la chanson My way de Frank Sinatra finit de nous convaincre que cette écriture se réfère au néo-classique cher à Angelin Preljocaj par exemple. La musique manque cruellement d’originalité. Elle est en fait un son strident, une pièce de monnaie qui tombe symboliquement, et qui en tombant coupe la lumière.
En résumé, on ne peut que saluer la précision du travail des interprètes de Pierre Pontvianne et le désir de ce chorégraphe d’écrire la danse comme au début de l’ère contemporaine. Mais le manque de nouveauté du propos nous étonne un peu à June Events qui normalement s’attache à faire progresser les définitions de la danse.
June Events se poursuit jusqu’au 18 juin.
Visuel : ©Kernel-June Events