[NEXT Festival] Archive, de Arkadi Zaides
Créé en 2014 au Festival d’Avignon, repris en janvier dernier au Théâtre de Chaillot, le solo Archive, du chorégraphe israélien Arkadi Zaides, est présenté à la Maison de la Culture de Tournai à l’occasion du NEXT Festival. Accompagné de deux écrans vidéos, d’un ordinateur et d’un micro, il dénonce l’occupation des terres palestiniennes par les colonies israéliennes à l’aide de petits films amateurs tournés par des Palestiniens, et qui ne montrent que des Israéliens. Pour chaque film diffusé sur l’écran de droite, l’écran de gauche détaille le lieu, la date et une explication sommaire des images. Face à cette violence du quotidien, Zaides s’inspire des mouvements des protagonistes pour créer une chorégraphie sur le plateau, aussi bien gestuelle que sonore.
La démarche de Zaides est passionnante : à partir d’archives, toutes stockées par le groupe B’Tselem, centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés, il donne à voir la vie quotidienne dans les territoires occupés de Palestine. Seuls les colons israéliens sont représentés sur ces images, puisque les caméras sont tenues par des Palestiniens : brutes de décoffrage, elles interpellent, choquent, étonnent, comme un JT de 20 h passé en boucle.
Devant l’écran, Zaides se met peu à peu à imiter les protagonistes qui se meuvent sur l’écran. Lancers de pierres imaginaires, grands mouvements de bras pour chasser des moutons, coups de pied donnés par des enfants de colons, ivres, dans des maisons palestiniennes, scènes de bagarre … Seul, il reproduit ces gestes, les amplifie, leur donne une autre dimension pour mieux en faire saisir l’absurdité hors contexte. Au fur et à mesure que le spectacle avance, il applique aussi cette méthode aux sons et aux cris proférés dans les vidéos, créant ainsi une étrange caisse de résonance dont l’écho se perd dans la salle.
Ainsi, si la démarche intellectuelle proposée par Zaides reste intéressante, on a regretté que l’émotion ne soit pas plus présente sur le plateau. En effet, si on comprend la volonté de ne pas sombrer sur le terrain glissant du pathos avec un tel sujet, on ne peut que regretter que Zaides ait laissé son public en route, n’abolissant jamais une sorte de distance qui se creuse entre la scène et la salle. L’appréciation de Archive reste donc toute intellectuelle, sans jamais basculer du côté de l’émotion, et c’est plus frustré que bouleversé que l’on ressort de ce spectacle par lequel on aurait tant aimé avoir été touché …
Photos : © Jean Couturier ; © Gadi Dagon