Danse
La Troisième symphonie de Gustav Mahler chorégraphiée par John Neumeier

La Troisième symphonie de Gustav Mahler chorégraphiée par John Neumeier

17 April 2013 | PAR Géraldine Bretault

Directeur des ballets de Hambourg depuis 1973, John Neumeier travaille aussi régulièrement avec l’Opéra national de Paris. Plusieurs de ses ballets sont entrés au répertoire, dont cette Troisième Symphonie de Gustav Mahler en 2009 (peu de temps après La Dame aux camélias en 2006).

La IIIe symphonie de Mahler est une œuvre monumentale, une des plus longues symphonies jamais composées, découpées en six mouvements aux titres poétiques et bucoliques : L’éveil de Pan (l’été arrive), Ce que me content les fleurs des prés, Ce que me content les animaux de la forêt, Ce que me conte l’homme, Ce que me conte l’ange, ce que me conte l’amour. Plus déterminé encore que Béjart, qui créa une chorégraphie pour les trois derniers mouvements en 1974, John Neumeier s’attaqua l’année suivante à la totalité de la partition.

Pourtant, la musique de Mahler, pleine d’une emphase toute nietzschéenne, ne laisse pas d’impressionner. Qu’importe, Neumeier est conquis depuis sa jeunesse, et il va se servir de toute l’étendue du registre musical (marches militaires, danses folkloriques, airs de valse) que contient la symphonie pour nous conter les relations complexes de l’homme avec la nature.

Mathias Heymann dansait le premier tableau ce soir, aux côtés de Stéphane Bullion et de Karl Paquette. Après une longue interruption pour blessure, le jeune danseur étoile a retrouvé toute sa superbe, et sa détente magnifique. Neumeier excelle à illustrer en finesse les traits musicaux par des forêts de bras et de jambes déliés. Sa précision est telle que l’on pourrait craindre une surconnotation, mais le lyrisme est contrôlé.

Après un deuxième tableau s’ouvrant sur le silence, peuplé de nymphes éthérées, le troisième consacré à l’automne brille par son écriture chorégraphique ciselée. L’éclairage, également conçu par Neumeier, vient souligner délicatement les nombreuses formations imaginées par le chorégraphe, alternant duos, trios, soli, groupes à l’unisson.

Les trois derniers mouvements étaient interprétés avec conviction ce soir, d’autant que des chœurs viennent appuyer les instruments. Eleonora Abbagnato, au meilleur de sa forme, était encadrée avec brio par Stéphane Bullion et Karl Paquette. L’ange Ciaravola portait bien son nom dans le cinquième mouvement. Le public a pu admirer son exceptionnel en-dehors sous toutes les coutures, ainsi que son jeu puissant. Enfin le dernier tableau, grave et sourd, qui voit revenir tous les danseurs et triompher l’amour, culmine de complexité et de grâce. Les groupes de danseurs évoquent des nuées, faisant écho à des forces telluriques à la fois minérales et organiques. Le chorégraphe s’est complètement approprié cette œuvre de la fin du XIXe siècle, dépoussiérée par le minutieux travail de lecture qui en est donné.

Présent presque de bout en bout, Karl Paquette tenait le premier rôle ce soir. S’il n’a pas toujours le charisme nécessaire pour s’imposer en contrepoint lorsqu’il marche simplement au milieu des danseurs, force est de reconnaître en lui un cavalier respectueux, soucieux de mettre en valeur sa partenaire. Enfin, le lyrisme du ballet, à la lisière entre abstraction et figuration, était bien servi par la direction soignée de Simon Hewett.

 

un poème musical englobant toute les étapes de la Création selon une ascension progressive qui commence par l’univers minéral pour culminer avec l’amour divin” Gustav Mahler, à propos de sa troisième symphonie.

Crédits photographiques © Laurent Philippe / Opéra national de Paris

 

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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