Danse
La fabrique du regard : Scarlett d’Arthur Peyrole

La fabrique du regard : Scarlett d’Arthur Peyrole

19 January 2016 | PAR Marianne Fougere

Le jeune chorégraphe s’empare de la figure de la Muse pour relancer la question du désir et du regard.  Une pièce inspirée, à la limite de la fascination. Présenté dans le cadre du festival de danse Faits d”Hiver.

Formé au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, Arthur Peyrole est l’une de ces jeunes pousses sur lesquelles les projecteurs seraient bien avisés, à l’avenir, de se braquer. Au cœur des projets chorégraphiques de sa compagnie  CieF, fondée en 2010, la notion de regard du public. Comment capturer son regard ? Comment plier et déplier les images de références piochées ça et là dans la culture populaire ? Comment changer la perception du public ? Autant de questions qu’il approfondit avec Scarlett, une pièce pour quatre danseurs et un musicien qui expose poétiquement le lien et l’interdépendance entre le créateur, sa muse, l’œuvre en train de s’écrire et le public.

Au premier regard, cependant, une telle cohabitation n’est pas flagrante, puisque sur le plateau, plongé dans l’obscurité à l’exception d’un rai de lumière, de Scarlett il ne semble pas être question. Où est la brune (O’Hara) de certains ? Où est la blonde (Johansson) plus moderne ? Scarlett ne peut être ce musicien qui, dos au public, nous donne à entendre des sons étranges, presque disharmonieux. Mais peu à peu, d’autres corps se laissent en fond de scène distinguer ; peu à peu le son se laisse plus mélodique à écouter. Comme si, finalement, l’apparition de la Muse, la réverbération et la diffraction de ses multiples caractéristiques sur un mur de miroirs, inspiraient le geste créatif de l’artiste. Dans une scénographique sombre et brillante, les danseurs donnent corps et visages à cette Muse insaisissable mais pourtant fascinante. Délaissant l’harmonie au profit de canons discordants, la masse compacte se disloque, les duos se font et se défont, jusqu’à l’émergence de quatre singularités. Et si, après tout, la Muse était un homme ? Quelques rares regards effleurent d’abord la salle, puis s’intensifient ensuite jusqu’à renverser radicalement la perspective : ce n’est pas tant les danseurs qui nous regardent, que nous qui ne parvenons pas à nous en détacher. Notre regard est comme pris au piège, capturé et fasciné.

Avec Scarlett, Arthur Peyrole propose donc une réflexion captivante sur le processus de création où danse et musique, créateur et muse, œuvre et public, s’appartiennent mutuellement. Mêlant à part égale automatisme et rébellion, conformisme et invention, posture et décomposition, Scarlett renferme quelques belles et poétiques intuitions, mais laisse tout de même le public sur sa faim : l’explosion finale tant espérée, et présagée par une mise en musique électrisante, n’ayant finalement pas lieu ! Mais avec cette pièce, Peyrole se pose comme un talent à suivre avec la plus grande attention.

 Visuel : DR

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